In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

rectangle blanc d’une tombe, d’une page, quand nous nous enlacions dans la chambre close” (115). Or, tandis que la relation entre Andréa et Duras se prolongea au-delà de la tombe, la passion entre Sell et Andréa s’épuise au bout de quelques années. Ce qui reste,ce sont les mots.Ce texte franc rédigé sans fard risque cependant de communiquer un sentiment d’inconfort et de gêne au lecteur voyeuriste malgré lui.L’auteure reconnaît d’ailleurs sa déformation professionnelle d’éditrice de vouloir pousser le manuscrit jusqu’aux présentoirs des livres en librairie. Ainsi, pour protéger ses proches, Sell a-t-elle reporté la publication du manuscrit de quatorze ans, après le décès de son coauteur et de son mari. Western Michigan University Vivan Steemers Serotte, Édith. Le goût de la dernière mangue. Paris: Présence Africaine, 2016. ISBN 978-2-7087-0890-7. Pp. 97. 12 a. L’œuvre met en scène trois générations de femmes d’une famille d’origine guadeloupéenne qui, à tour de rôle, prennent la parole. Tout l’attrait du livre réside dans ce chiaroscuro où les récits se contredisent, se complètent, s’ignorent, se renforcent , et donnent de la profondeur aux personnages.Agathe, la grand-mère toujours résidente de Pointe-à-Pitre, parle d’une voix directe parsemée de mots créoles. Elle décrit son enfance vécue dans une cabane en bois, à l’époque où son père, qui ramenait le soir les fruits de sa cueillette pour nourrir sa famille, imposait un respect absolu à ses sept enfants. La saison des mangues faisait le grand bonheur de tous. Les récits croisés servent à construire et à déconstruire la vie de cette aïeule qui fait office de pierre angulaire à une famille aujourd’hui dispersée: sa fille Kate habite à Montréal, sa petite nièce est, elle, infirmière à Paris. Agathe raconte une Guadeloupe abîmée par la perte d’une économie d’artisanat et de fraternité, le chômage, l’écroulement des maisons traditionnelles abandonnées, une jeunesse désœuvrée ou droguée. Sa voix change de registre pour révéler les événements qui l’ont minée elle aussi: manque d’amour reçu et incapacité d’aimer un enfant qu’elle n’a pas désiré. C’est un dessin fait par la nièce enfant, interprété par trois perspectives narratives, qui juxtapose les deux personnages clé du récit: la grand-mère et la petite nièce. La première dessinait les adultes en fonction de l’énergie qui se dégageait d’eux.Agathe imagine que l’enfant l’a représentée comme une oreille démesurée. Mais une voisine révèle que l’enfant a bien capté le secret de sa grande tante: elle l’a en fait dessinée comme la moitié d’un cœur. Adulte, cette nièce est habitée par une sensibilité envers les autres, que l’auteur démontre dans des textes qui décrivent le monde désemparé et nécessiteux où elle travaille. Une marée haute a déposé des ossements sur les plages de l’île, peut-être les os de centaines d’esclaves, enterrés aux siècles passés, découverts par les pluies. Ces os constituent peut-être la métaphore du passé mal enterré de la vieille dame. Beaucoup moins heureuses sont les pages consacrées au cancer de sa fille Kate, où nous nous 220 FRENCH REVIEW 90.3 Reviews 221 sentons plutôt pris dans celles d’une publicité pour la lutte contre la maladie. Son mari déclare son amour en lui recopiant des vers de la poésie de Maya Angelou: le texte pourrait nous laisser croire que les mots sont de lui, mais les notes en bas de page confirment la source. Il est difficile de décider quelle dimension Serotte voulait ajouter à son personnage par ces “emprunts”: mari attentionné mais pas très doué, mari appréciateur de...

pdf

Share