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trouver des acteurs capables de porter un film sans pour autant avoir la moindre expérience cinématographique. Cela nécessitait également de filmer la première partie du film dans les conditions difficiles qu’engendre un tournage loin de l’Hexagone. Convaincre des producteurs et des distributeurs de soutenir une telle entreprise relevait de la gageure. À bien des égards, le film relève les défis qui se présentent à lui. Audiard fait ici honneur à sa réputation d’étonnant directeur d’acteurs: chacun d’entre eux brille et émeut à sa manière, plein d’humanité et de vulnérabilité à fleur de peau. La photographie de la novice Momenceau s’avère largement à la hauteur, à la fois variée et précise. Les passionnés d’Audiard trouveront néanmoins à redire à ce film. La musique de Jaar n’offre pas l’ampleur qu’a coutume d’insuffler Desplat. Ce choix apparemment délibéré d’Audiard de sortir des sentiers battus déroutera sans doute ses avides admirateurs, tant l’univers sonore du film semble éloigné de celui auxquels ils sont habitués. Cependant, c’est surtout là où l’auteur n’a cessé d’exceller au fil des ans que le film pèche, à savoir son scénario. Le film accueille son spectateur en terrain familier. Ainsi accompagne-t-on la lente intégration d’un ancien Tigre tamoul, d’une jeune femme et d’une petite orpheline qui ne se connaissent pas dans un pays et une banlieue qui leur sont étrangers. Forcés par les circonstances à former une vraie-fausse famille, les trois personnages vont peu à peu s’apprivoiser (comme Marx et Johnny dans Regarde les hommes tomber, comme Paul et Carla dans Sur mes lèvres, comme Tom et Miao Linh dans De battre mon cœur s’est arrêté), devenir ce qu’ils prétendent être (comme Albert Dehousse dans Un héros très discret), et s’adapter à un environnement inhospitalier (comme Malik dans Un prophète). Hélas, le film pivote dans son dernier tiers pour laisser place à un récit de justicier qui ne convainc pas. La Palme d’Or aura donc récompensé le film le plus ambitieux d’Audiard, mais peut-être aussi son moins réussi. Villanova University (PA) François Massonnat Benchetrit, Samuel, réal. Asphalte. Int. Isabelle Huppert, Gustave Kervern, Tassadit Mandi, Jules Benchetrit. Caméra Deluxe, 2015. Difficile de classer ce film. Conte anachronique sociétal? Cinéma de banlieue? Film mosaïque ou choral? Science-fiction? Peu importe. Ce qui compte dans ce cinquième film de Benchetrit adapté de ses Chroniques de l’asphalte—un recueil de nouvelles autobiographiques—c’est avant tout le choix des acteurs qui ont su faire ressortir de duos improbables toute l’humanité nécessaire pour nous donner envie d’y croire. Dans un des immeubles d’une cité HLM résident des personnages engouffrés dans leur solitude, mais l’expérience d’une rencontre faite au hasard éveille en chacun d’eux quelque chose d’inattendu et d’atypique. Ainsi, Sternkowitz (Kervern), un homme dépressif qui se fait passer pour un photographe afin de se rendre plus attirant aux yeux d’une infirmière de nuit renfermée sur elle-même (Valeria Bruni Tedeschi), finit 244 FRENCH REVIEW 90.2 Reviews 245 par révéler, non sans peine, son mensonge et sa vulnérabilité. Charly (Benchetrit), fils du cinéaste et acteur professionnel, est plus que convaincant dans son rôle d’adolescent chroniquement seul qui se prend d’amitié pour Jeanne Meyer (Huppert), une actrice au bout du rouleau. Leur complicité, malgré leur différence d’âge, est toute aussi étonnante que plausible, particulièrement quand Charly aide Jeanne à raviver sa carrière. Le film prend toute son ampleur poétique lorsque John McKenzie (Michael Pitt), un spationaute américain ayant atterri sur le toit de l’immeuble et ne sachant où il se trouve, frappe à la porte de Madame Hamida, une femme d’origine maghrébine (fort bien interprétée par Mandi), pour pouvoir téléphoner à la NASA. Aucunement effrayée et souriante, Madame Hamida héberge McKenzie...

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