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Reviews 219 Comme à son habitude, Quignard prend des libertés avec l’Histoire. Il la fictionnalise et fait de Cheney un pasteur protestant, vivant à Geneseo, New York (alors qu’il vécut principalement entre le Vermont et le New Hampshire), lui donne une fille qui fait publier son livre à titre posthume et à compte d’auteur (alors que c’est un fils de Cheney, le poète John Vance, qui a édité le manuscrit inachevé et l’a complété de recherches annexes sur les études de chants d’oiseaux). Quignard invente aussi cette épouse morte en couches, Eva Rosalba, et le chagrin irrémédiable de l’époux (alors que Cheney s’est remarié). Les dates de ses activités ornithologiques sont aussi fictives. Ce récit devient ainsi un peu le pendant philogénétique de Tous les matins du monde, qui suggérait un ancrage ontogénétique de la musique de par la relation qu’elle entretient avec la mémoire utérine. Ici c’est la beauté de la Nature et de son “jardin sonore” (124), en particulier les chants d’oiseaux—mais aussi les bruits naturels ou domestiques comme celui de l’eau gouttant dans l’arrosoir (12) ou du vent s’engouffrant dans le porte-manteau (18)—qui consolent de la perte d’une figure féminine que le deuil idéalise, aisément lisible sur le plan autobiographique comme figure maternelle. L’enjeu philosophique est là encore la recherche d’un fondement naturel de la culture—et de l’activité culturelle par excellence, l’art. Les hommes n’ont rien inventé de plus que les animaux et gardent la nostalgie de ce “plus ancien que soi” (143) qui “veut dire quelque chose”(135). De même que les images reviennent dans les rêves et se constituent spontanément en récits,“il est possible que l’audition humaine perçoive des airs derrière la succession des sons”(63). Ce serait simplement cette“hallucination”, le propre de l’humanité, l’invention d’un sens “qui ne touche en aucune façon aux éléments du réel” (64). Ni essai, ni roman, mais “suite de scènes [...] proches du nô” japonais (11), ceci est la version livresque d’une partie du spectacle que Quignard présenta avec Marie Viale, La rive dans le noir. Particulièrement notable est la figure du Récitant, qui tantôt semble dédoubler le Révérend Cheney, tantôt voile à peine l’auteur lui-même et fusionne les trois figures dans une hantise de la mort. Saint Louis University (MO) Jean-Louis Pautrot Révay, Theresa. La vie ne danse qu’un instant. Paris: Albin Michel, 2017. ISBN 9782 -226-32868-7. Pp. 507. Un grand mérite de ce roman est de rappeler que parmi les journalistes ayant décrit la Deuxième Guerre mondiale, un certain nombre étaient des femmes, comme Alice Clifford, l’héroïne du présent ouvrage. La plupart des pionnières étaient américaines et leur rôle loin d’être insignifiant. Avec beaucoup de bonheur, Révay ressuscite cet aspect largement oublié de l’histoire du journalisme. Elle met en scène un personnage de fiction qui réunit certaines caractéristiques des véritables correspondantes de guerre—Martha Gellhorn,Virginia Cowles, Eleanor Packard, Frances Davis, Dorothy Thomson ou Lee Miller—dont quelques-unes font une apparition dans le roman. Intrépide, ambitieuse et déterminée, Alice possède les deux qualités “indispensables pour exercer [son] métier: de solides connaissances historiques et la maîtrise de plusieurs langues étrangères”(129). De plus,“jamais le fait d’être une femme ne l’avait empêchée de vivre comme elle l’entendait” (129). Même Mussolini reconnaît ses talents: “Vous joignez à votre intuition féminine la tournure d’esprit d’un homme. Cet alliage vous mènera loin” (68). Malgré les violences dont elle témoigne et les agressions qu’elle subit, Alice se déplace imperturbable, d’Addis-Abeba à Madrid, de Rome à Berlin, pour rédiger des articles où elle prend “soin de taire ses préjugés sans dissimuler ses...

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