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Reviews 203 premier est resté auprès de son enfant, abandonné par sa compagne à un monde d’apocalypse; le second est finalement parti “dans la vérité” (34), enfui vers un pays cruel de sable et de soleil brûlant. Nous suivons, fébriles, leurs pérégrinations angoissantes et leurs rêves éteints. La peau, l’écorce forme donc le parcours chaotique d’un père désorienté qui déambule au hasard d’une ville en décomposition, sa fille serrée dans ses bras, et le calvaire d’un soldat à bout de force, sans souvenirs ni désir de vivre, à la recherche d’une mort rapide qui le délivrera de ses tourments. Il décrit minutieusement , comme à la loupe, le processus infernal de chute qui prend place quand la société et les corps se corrompent et s’étiolent. L’auteur, dans une prose resserrée et brutale, composée de phrases courtes et percutantes, déchire la surface des choses et des êtres pour dresser le portrait apocalyptique d’un monde sur le point de s’écrouler. Dans un âge de frontières illusoires érigées entre les hommes pour apaiser les peurs, il utilise la peau comme métaphore existentielle ultime du lien et de la séparation. L’écrivain s’astreint à défaire toutes nos illusions en découpant méthodiquement cette matière mystérieuse qui nous habille dans ses reliefs les plus sanglants: “La viande il faut la dénerver, aller dans les interstices, sinon ce n’est pas vraiment la peine”(76). L’homme ainsi délesté de son fardeau se trouve livré au monde, au “rouge du monde” (101). Il découvre alors avec angoisse ce prédateur avide qui “mord au ventre” (64) sans compassion. Or, nous apprenons de Civico, rien ni personne ne peut résister à cet appétit destructeur. Les liens qu’on pensait les plus forts, ceux qui font les civilisations et joignent les pères et leurs petites filles ne sont ici qu’un“mince fil”(92) qui finit par pourrir et tomber. L’auteur nous enseigne avec tristesse et fatalisme que si le corps nous lie, il nous défait dans un même mouvement. L’être vivant est un être mourant, car la mort,“elle t’attrape à la naissance et elle ne te lâche plus”(56). Civico insiste sur cette vérité à chaque ligne de son texte poétique et cruel. Il nous enjoint à assister sans flancher au spectacle impénétrable et effrayant de notre propre décomposition. Un théâtre littéraire morbide qui se suffit à lui-même. Un univers vide d’humanité, dépourvu de transcendance et qui n’attend finalement que la mort “car il faut bien que quelqu’un meure” (103). University of Hawaii, Ma – noa Louis Bousquet Claudel, Philippe. Au revoir Monsieur Friant. Paris: Stock, 2016. ISBN 978-2-23408259 -5. Pp. 98. L’amateur de poésie et des Beaux-arts ne sera pas déçu par ce livre qui allie littérature, imagination et peinture. En vrai conteur, Claudel lit et anime une dizaine de toiles d’Émile Friant, un peintre naturaliste du dix-neuvième siècle. Il sort les tableaux du cadre de la description instantanée et invente aux personnages une histoire propre. Dans quelle mesure cette histoire est-elle véridique? L’auteur ne s’en soucie pas: “Je crois au pouvoir des songes, et la littérature n’est faite que de cette matière volatile”(64), déclare-t-il. En effet, la magie de l’imagination et des mots opère puisque la vie fictive des personnages finit par ressusciter la vie réelle du peintre, et celle-ci résonne avec des souvenirs d’enfance de l’auteur mêlés aux scènes de la Toussaint et aux images de pêcheurs, de trimardeurs, de ponts, de péniches, de buveurs. Cette dernière correspondance n’a rien d’étonnant étant donné que le peintre et l’écrivain ont tous deux vécu à Nancy—à un siècle d’intervalle, il est vrai—et ont ainsi respiré le même air et vu les...

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