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constitue la description attentive des dispositifs matériels qui contribuent à faire de cet espace de sociabilité “art déco très downtown” (18) celui d’usages “mondialisés et vaguement rassurants”. À qui sait en accepter les propositions, le Dark Rihanna génère en effet tous les signes d’une maîtrise des apparences. Émis pour qu’ils soient reçus dans un spectre frôlant sa propre parodie, ces signes rendent“rigoureusement impossible ” (38) l’interprétation de l’attitude des clients dont l’apparence vestimentaire et physique est pourtant identifiable au premier coup d’œil. Rien ne peut être pris ni au premier ni au second degré, le sens de chaque geste étant susceptible d’être désamorcé par sa propre monstration.“Le mystère s’épaissit”, écrit Chauvier à propos de l’attitude de jeunes vêtus pour ressembler à des personnages d’un film de Bergman devant la photographie d’un visage de femme bientôt déchiré par l’un d’entre eux. Il s’épaissit, “ou pas” (43). Ici, un homme sort un carnet de sa poche pour y consigner quelques mots. Mais écrit-il“en vrai?”(41). Là, un couple s’aime.“Ou l’inverse”(43). L’attitude “faussement négligée, faussement provocante”d’une jeune femme se donnant des airs de Lana Del Rey (39), celle encore du personnel dont la gestuelle relève du vaudeville, empêchent l’observateur pourtant aguerri par sa discipline universitaire d’y rien comprendre. Mais l’irruption de deux souvenirs personnels (liés à l’origine familiale et sociale de l’auteur) vont briser l’ambiguïté de ce milieu en parfaite contradiction avec la violence dont un de ses membres vient de faire l’expérience. On comprend alors de quels enjeux infiniment signifiants sont traversées les “villes-centres”—une formule de panneau indicateur de banlieue dont Chauvier fait le discret leitmotiv de son récit—et dont ce bar et ses clients constituent les parfaits modèles. Objets de désir, les représentants de la ville connectée deviennent le sujet d’un ressentiment de la part de ceux—et celles—qui se trouvent incapables d’y mettre en scène, faute d’être économiquement et culturellement solvables, leur propre séduction. Une telle tension ne peut mener qu’à la violence. Sans faire usage d’un discours d’escorte sociologique trop lourd ni verser dans le manifeste politique, Chauvier maintient ce court récit en équilibre jusqu’au point de bascule où les lecteurs, croyant arriver à sa conclusion programmatique, sont invités à le relire intégralement sous un jour nouveau et purement littéraire. Le résultat est tout à fait convaincant. Metropolitan State University of Denver Jean-François Duclos Civico, Alexandre. La peau, l’écorce. Paris: Rivages, 2017. ISBN 978-2-7436-3859-7. Pp. 103. Deux récits s’entremêlent dans ce roman.“L’écorce”raconte l’aventure hallucinée d’un groupe de soldats perdus dans le désert et qui combattent jusqu’à la mort pour un peu d’eau. “La peau” est l’histoire extraordinaire d’un père et de sa fille qui se trouvent un jour mystérieusement attachés l’un à l’autre par un cordon ombilical. Deux histoires qui narrent l’aventure de deux hommes pour un même destin: le 202 FRENCH REVIEW 91.4 Reviews 203 premier est resté auprès de son enfant, abandonné par sa compagne à un monde d’apocalypse; le second est finalement parti “dans la vérité” (34), enfui vers un pays cruel de sable et de soleil brûlant. Nous suivons, fébriles, leurs pérégrinations angoissantes et leurs rêves éteints. La peau, l’écorce forme donc le parcours chaotique d’un père désorienté qui déambule au hasard d’une ville en décomposition, sa fille serrée dans ses bras, et le calvaire d’un soldat à bout de force, sans souvenirs ni désir de vivre, à la recherche d’une mort rapide qui le délivrera de ses tourments. Il décrit minutieusement , comme à la loupe, le processus infernal de chute qui prend place quand la société et les corps se...

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