In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Montety, Étienne de. L’amant noir. Paris: Gallimard, 2017. ISBN 978-2-07-0148745 . Pp. 234. Fleurus-Marie Duclair est tourmenté par deux obsessions paradoxales qui le consument: l’opium et la poésie. Elles finiront par le posséder corps et âme et le mener à une déchéance inéluctable. Le roman se présente comme le manuscrit des mémoires de cet aristocrate déchu. Il relate en détail ses voyages de juin 1919 jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ses pérégrinations internationales portent le héros des rives du Bosphore aux dunes du Rif marocain en passant par Paris et Bourg. Fleurus est un lieutenant de carrière dont la véritable passion est la littérature. La Grande Guerre terminée, il est envoyé en garnison à Constantinople. Encore traumatisé par son passé, il découvre l’amour avec la jeune Amicie de Romefort et les mystères envoûtants de l’ancienne capitale byzantine. Mais sa perception du monde est biaisée, elle est empreinte du prisme de l’esthète qui recouvre tout. Le personnage peuple son orientalisme désuet des fantômes littéraires illustres qui l’ont précédé. Or les temps ont changé depuis Verdun et la mise à mort de l’ancienne Europe, l’élitisme comme le romantisme affecté ne sont plus de mise. En tentant de parer le réel des vestiges du passé, il ne fait que repousser l’évidence pénible de sa situation de déclassé. La monomanie poétique du héros transforme rapidement son existence en une “pauvre image d’Épinal”(89). Incompris de ses contemporains,“l’époque n’est pas à la poésie” (20), délaissé par les femmes qu’il aime et hanté par les images d’une guerre infernale, il trouvera dans l’opium,“l’amant noir”, le moyen physique de s’évader pour tenter de rejoindre ses chers héros littéraires révolus. La drogue, qu’il prend à tort pour un refuge, “mon liquide amniotique” (119), deviendra le révélateur cruel de sa nature inconséquente et pusillanime. Lorsque le personnage tente sans succès d’entamer une carrière de romancier, cette superficialité constitutive est mise à jour de façon cruelle. Fleurus prend subitement conscience de l’inanité de sa condition à travers les mots d’encouragement d’un académicien l’exhortant à écrire un chef-d’œuvre “où on lira dans vos tripes, à ciel ouvert” (187). L’amant noir, roman historique inspiré, est à l’image de son personnage, fin et subtil, mais douloureusement dénué de“tripes”. Dans ce récit par moment précieux et volontairement anachronique, l’amour et la drogue ne sont jamais que des ornements, le moyen de décorer une existence périphérique que le héros meurtri est incapable d’incarner jusqu’au bout. L’auteur montre dans ce texte que la grâce aristocratique savamment cultivée et transmise au fil des siècles n’est plus que frivolité dans un monde obsédé par le calcul. Cependant l’écrivain ne fait jamais de son personnage un coupable, il s’attaque au contraire au déterminisme social et culturel de son époque qui s’avère une malédiction existentielle implacable pour le malheureux Fleurus. Cette dynamique contradictoire semble sceller l’impasse philosophique qui sous-tend l’intrigue, à savoir la difficulté de raconter l’histoire d’un homme égaré dans “une ère nouvelle” (232) à laquelle il ne veut plus participer. University of Hawaii, Ma – noa Louis Bousquet 248 FRENCH REVIEW 91.3 ...

pdf

Share