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Reviewed by:
  • Simone de Beauvoir, l'existence comme un roman par Delphine Nicolas-Pierre
  • Flavien Falantin
Nicolas-Pierre, Delphine. Simone de Beauvoir, l'existence comme un roman. Garnier, 2016. ISBN 978-2-406-05905-9. Pp. 759.

Reconquérir l'univers fictionnel de Beauvoir depuis le stade exploratoire de l'écrit jusqu'à la maturité de l'oeuvre, telle est l'ambition de cet ouvrage qui offre une étude de l'intériorité romanesque de la philosophe existentialiste et se donne également pour mission de la réhabiliter. À mesure que l'analyse du processus d'écriture avance, on ne peut manquer de lire, sous le discours de Nicolas-Pierre, une charpente psychologique qui, peu voyante parce que singulièrement juste, vient donner un nouvel éclat à l'interprétation des sept romans et des nouvelles en les confrontant à la correspondance, les manuscrits et les spicilèges rares de Beauvoir. Ce livre d'envergure revient plus particulièrement sur la genèse intellectuelle et l'entrée en littérature qui gouverneront tout un destin, pour se consacrer ensuite aux formes historiques du roman existentialiste ainsi qu'à sa poétique métaphysique. La première partie est de loin la plus fascinante, en ce qu'elle ouvre la chambre secrète de Beauvoir: ses Cahiers de jeunesse. On découvre une Beauvoir quichottique, "victime exemplaire du désir triangulaire" (168), obnubilée par ses lectures de Gide et par la figure médiatrice de Léontine Zanta, première femme à recevoir son doctorat de philosophie. Dans la continuité des travaux de Heinich et de Boschetti, la seconde partie éclairant les premiers pas de Beauvoir sur la scène littéraire se ressent comme un exercice obligé. Un bref retour aux échecs des débuts vient faire écho à la rencontre propitiatoire avec Sartre, et l'on se dit qu'une approche barthienne donne parfois du goût aux choses. On apprécie surtout l'admirable capacité d'ériger "la conscience désimpliquée" (533) des héroïnes de Beauvoir en purs concepts philosophiques. Les analyses se suivent pour faire de Laurence, Xavière, Françoise ou Hélène les véritables doubles poétiques de la romancière mis en scène dans des "psycho-récits" (587). Apposé en annexe, un entretien avec Sylvie Le Bon de Beauvoir, conservatrice de l'oeuvre, vient clore cette somme-fleuve et l'agrémenter de considérations philosophiques, stylistiques et biographiques. Dans l'ensemble, si l'ouvrage remplit impeccablement sa mission de reconquête des romans de l'écrivaine et peut prétendre qu'il y a"désormais une histoire de la fiction beauvoirienne" (655), le lecteur pourrait toutefois regretter l'aspect monolithique, voire solipsiste de l'entreprise, qui n'intègre pas suffisamment les rapports solidaires qu'entretenaient Beauvoir avec les romancières de son temps—on pense entre autres à Claire Etcherelli, auteure d'Élise ou la vraie vie. Cela ne doit en rien discréditer la multiplicité des approches psychologiques et littéraires employées par Nicolas-Pierre, dont l'examen complet et novateur invite les chercheurs à s'emparer de [End Page 260] nouveau d'une fiction quelque peu délaissée. Il y a fort à penser que les futurs travaux de cette chercheuse, collaboratrice de l'oeuvre autobiographique pour la collection "Pléiade", ouvrent avec le recul nécessaire des perspectives ubéreuses dans l'approche des études beauvoiriennes.

Flavien Falantin
University of Tennessee, Knoxville
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