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  • Émile Zola, le déclassement et la lutte des places: les Rougon-Macquart, condensation littéraire d'un désir d'ascension sociale par Frédérique Giraud
  • Pascal Ifri
Giraud, Frédérique. Émile Zola, le déclassement et la lutte des places: les Rougon-Macquart, condensation littéraire d'un désir d'ascension sociale. Champion, 2016. ISBN 978-2-7453-3172-4. Pp. 504.

Depuis longtemps, sans doute influencés par le Contre Sainte-Beuve de Proust et l'article de Roland Barthes "La mort de l'auteur", la plupart des critiques littéraires accordent peu de place aux créateurs des oeuvres qu'ils analysent. Ils considèrent en effet le plus souvent celles-ci comme des textes existant indépendamment de la personnalité et des intentions de ceux qui les ont produits. C'est contre cette tendance que s'inscrit cet ouvrage qui, il est vrai, n'est pas à proprement parler une étude littéraire, puisqu'il est né d'une thèse de sociologie. Il devrait pourtant intéresser les amateurs de Zola dont il aborde l'oeuvre à partir d'un point de vue sociologique et biographique qui éclaire d'un jour nouveau Les Rougon-Macquart. Composé de quatre grandes parties, elles-mêmes divisées en plusieurs chapitres, il vise essentiellement à rendre compte de l'homme et de ses romans à partir de l'étude du contexte social dans [End Page 254] lequel il a évolué. Dans la première partie, l'auteur, tout en se démarquant des travaux de Pierre Bourdieu, explique et justifie l'approche sociologique pour éclairer l'oeuvre littéraire, celle-ci se situant nécessairement dans un espace social et historique précis. Elle y présente également le cadre théorique et méthodologique dans lequel se situera son entreprise avant de démontrer que Zola et son oeuvre se prêtent particulièrement à cette approche. Les deux parties suivantes s'arrêtent en détail sur la biographie de l'écrivain, à commencer par son rapport à son père (décédé alors qu'il était enfant), dans le but de montrer non seulement comment son histoire a créé chez lui une soif de réussite sociale et l'a ainsi mené à l'écriture, mais encore comment cette histoire explique la création particulière des Rougon-Macquart et la vision du monde qu'ils reflètent. En outre, l'auteur y décrit minutieusement l'"espace littéraire" en France à la fin du dix-neuvième siècle et les efforts que Zola a dû fournir pour y trouver d'abord sa place, puis le succès. La quatrième partie, particulièrement intéressante, analyse la façon dont l'écrivain fictionnalise des éléments de sa biographie dans ces romans, ceux-ci constituant à la fois une dénonciation des inégalités sociales telles qu'il les a connues, une sorte de revanche du déclassé qu'il a été sur la bourgoisie dominante et une célébration de son ascension sociale et de sa réussite. Le sentiment de déclassement social qu'a longtemps éprouvé Zola se retrouve partout dans son oeuvre. Cette dernière "peut être analysée comme le support d'un travail de soi, réflexif et objectif, grâce auquel le romancier répond à la nécessité qu'il a fait sienne et profondément intériorisée de s'élever socialement", mais également, comme elle autorise "toutes sortes de manipulations symboliques, de reconstructions, redéfinitions de son identité d'écrivain, elle lui permet de travailler intimement des problèmes existentiels familialement construits" (462–63). En somme, si cet ouvrage, clair, bien écrit et bien organisé, se distingue des nombreux travaux exclusivement littéraires consacrés à Zola par son approche biographique et sociologique, il n'en propose pas moins une lecture originale des Rougon-Macquart et, ironiquement, ouvre ainsi une nouvelle voie à la critique contemporaine.

Pascal Ifri
Washington University (MO)
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