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Reviewed by:
  • Un certain M. Piekielny by François-Henri Désérable
  • Edward Ousselin
Désérable, François-Henri. Un certain M. Piekielny. Gallimard, 2017. ISBN 987-2-07-274141-8. Pp. 272.

Ce long commentaire sur les mystères de la création littéraire prend pour point de départ une anecdote apparemment insignifiante qui se trouve dans le roman autobiographique La promesse de l'aube (1960). L'incertain M. Piekielny est un personnage—réel ou fictif—que le jeune Roman Kacew, qui deviendra plus tard Romain Gary, rencontre à Vilnius, la ville de sa naissance. Ce voisin dont on ne sait presque rien semble être le seul à prendre au sérieux les prédictions de la mère de Gary sur le glorieux avenir littéraire et diplomatique de son fils. Dans le récit de Gary, l'obscur et timide Piekielny lui demande de mentionner son nom et son adresse aux grands de ce monde, une fois qu'il sera devenu un écrivain célèbre. C'est ce personnage secondaire que l'auteur—pardon, le narrateur intradiégétique—d'Un certain M. Piekielny cherche à découvrir, à extraire de l'oubli. Au début, la démarche de Désérable tend à irriter, puisqu'il ne paraît s'agir que d'un énième cas d'autofiction nombriliste. En l'occurrence, un jeune joueur de hockey sur glace dont l'objectif est de devenir écrivain (alors que sa mère veut en faire un avocat) mène une enquête sur le degré de véracité du récit autobiographique qu'a produit un écrivain confirmé. Cependant, ce côté "Moi et Romain Gary" s'estompe rapidement. Si les détails sur les vies de Désérable et de Gary sont présentés en alternance et (implicitement) en correspondance, c'est le médiocre personnage Piekielny, le lien entre les deux auteurs, qui prend de plus en plus d'importance. Or le voisin du jeune Gary et de sa mère n'a pas eu la chance de quitter la Lithuanie et de s'installer en France avant la Deuxième Guerre mondiale. L'enquête littéraire de Désérable sur un personnage oublié de l'oeuvre de Gary se double d'une enquête historique sur l'annihilation des juifs de Vilnius, l'ancienne "Jérusalem de l'Est", dont les synagogues, les yeshivot et même les pierres tombales ont disparu. Piekielny l'inconnu se mue progressivement en symbole d'une communauté éradiquée du plan de la ville et de la mémoire historique. Un autre niveau d'écriture apparaît lorsque le narrateur croit trouver un modèle du Piekielny de Gary dans une pièce de théâtre de Nicolas Gogol, Le revizor (1836). Mais Piekielny finira par conserver son mystère, puisqu'une vieille femme que le narrateur rencontre par hasard à Vilnius affirme l'avoir connu, alors qu'il n'y a aucune trace de son existence dans les archives. Notons que Désérable n'est pas le seul à avoir été récemment inspiré par les fantômes littéraires de Gary: Laurent Seksik a reconstruit ou inventé une journée de l'enfance de l'écrivain dans Romain Gary s'en va-t-en guerre (Flammarion, 2017). Gary, le seul romancier à avoir obtenu deux fois le prix Goncourt, grâce au pseudonyme "Émile Ajar", n'en finit pas d'influencer d'autres écrivains. Raison de plus pour le relire—et pour découvrir le fascinant roman de Désérable. [End Page 208]

Edward Ousselin
Western Washington University
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