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Reviewed by:
  • Ascension by Vincent Delecroix
  • Jean-François Duclos
Delecroix, Vincent. Ascension. Gallimard, 2017. ISBN 978-2-07-274131-9. Pp. 625.

Le personnel de la NASA est fort occupé à régler les derniers détails de l'envoi dans l'espace de sa navette habitée. Bientôt y prendront place deux Américains protestants, un Russe orthodoxe, un Mexicain catholique et un Français juif athée. Dire que rien ne disposait Chaïm Rosenzweig, le narrateur de cette aventure, à participer à ce vol est un doux euphémisme. Romancier à la production modeste et gérant du pressing familial, frère d'un écrivain autrement plus lu que lui, amoureux indécis et philosophe raté, c'est par hasard autant que par erreur qu'il quitte son 18e arrondissement parisien pour se retrouver dans les centrifugeuses du centre spatial de Houston, prêt (plus ou moins) à assurer les fonctions de chroniqueur de service de cette dernière mission en direction de la Station Spatiale Internationale. Son caractère facétieux, ses a priori intellectuels, ses manières de prendre presque systématiquement le contre-pied des consignes officielles horripilent le commandant Harold Pointdexter, qui aimerait se croire dans une production hollywoodienne alors que tout pointe (dans l'esprit du jeune Français) vers le vaudeville grotesque de téléfilm sous-financé par l'audiovisuel public. Malgré ses airs de blague, Chaïm finit par considérer que ce voyage dans l'espace constitue la continuation la plus logique du destin juif, que la mythologie goy a condamné au déplacement perpétuel et à qui un de ses membres se voit offrir la possibilité (pourvu que l'on confonde le Ciel et les Cieux) d'aller examiner d'un peu plus près à quoi ressemble la Terre du point de vue de Yahvé. Comme l'observe son père,"on n'envoie pas un juif dans l'espace par hasard" (53). Quitter la Terre, s'arracher de sa puissance gravitationnelle pour se placer dans l'"extase muette" d'une orbite où le démiurge "parle et travaille" (73): la machine à extraire de l'absurde et cruelle existence terrestre sa substance métaphysique finit par opérer sans même qu'il faille renouer avec la religion. Il suffit de monter. Quelque chose "m'aspirait là-haut, qui était toujours parvenu à me faire lâcher prise malgré mes efforts pour me retenir à moi-même". Ici, pense-t-il alors, pour les quelques jours que va durer cette mission, "c'est la fin de l'homme" (74). Mais, comme il se doit, les choses ne se passent pas exactement comme prévu. À peine dégagé de la gravitation, l'équipage découvre dans ses soutes la présence d'un passager clandestin dont on hésite à donner le nom. Il suffira qu'on rappelle le titre de ce roman. Dans ces conditions de huis clos en apesanteur, rien de tel, en cette compagnie, pour procéder à un examen de conscience et à évaluer sa place dans l'humanité. Alternant les scènes les plus loufoques avec des instants de poésie pure, avec ses six cents pages de charge utile, Ascension s'attribue les caractéristiques du conte philosophique, de la réflexion religieuse, du roman familial et du récit de fraternité. C'est un roman total, spirituel, tantôt sobre, tantôt délirant, dont on regrette seulement qu'il ne soit pas deux ou trois fois plus lourd. [End Page 206]

Jean-François Duclos
Metropolitan State University of Denver
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