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Reviewed by:
  • Zabor ou Les psaumes by Kamel Daoud
  • Alek Baylee Toumi
Daoud, Kamel. Zabor ou Les psaumes. Actes Sud, 2017. ISBN 987-2-3300-8173-7. Pp. 329.

Voilà un ouvrage qui aborde d'une manière originale les rapports entre les mots et la mort. Après Meursault, contre-enquête et Mes indépendances, Daoud nous enchante dans son dernier ouvrage. Divisé en trois parties—le corps, la langue et l'extase—qui correspondent au cheminement progressif du protagoniste vers la "jouissance indicible" (255), Zabor ou Les psaumes raconte l'histoire de Zabor, un enfant du village d'Aboukir en Algérie. Abandonné par son père, un riche boucher vendeur de moutons qui répudie sa première épouse, Zabor découvre la lecture, puis le pouvoir de l'écriture. Après la mort de sa mère, Zabor se retrouve en bas du village chez sa tante Hadjer, une vieille fille qui vit avec le grand-père, un vieux malade amnésique. Les trois sont traités comme des parias. Zabor étudie l'arabe classique, langue sacrée de la religion musulmane et complètement différente des langues arabes créolisées parlées en Algérie. Il apprend tout seul la langue française, se réfugie dans la lecture et dévore tout ce qui lui tombe sous la main. À quatorze ans, il découvre qu'il possède un don, celui d'exorciser la mort par le seul fait d'écrire sur la vie du moribond: "J'écrivais dans une langue étrangère, qui guérissait les agonisants et qui préservait le prestige des anciens colons. Les médecins l'utilisaient pour leurs ordonnances, mais aussi les hommes du pouvoir, les nouveaux maîtres du pays et les films immortels" (16). Et Zabor de se demander: "Pouvait-elle être sacrée, comme si elle descendait du ciel?" (16). En fait, la langue tire son pouvoir de la seule vertu d'être travaillée, apprivoisée, maîtrisée, appropriée. Un jour, on annonce à Zabor que son père est gravement malade. Après l'échec des médecins, des imams et des charlatans, ses demi-frères viennent lui demander de prolonger la vie de leur géniteur, celui-là même qui l'a chassé avec sa mère. Zabor ne dispose que de trois jours pour noircir son cahier en racontant la vie de l'agonisant. Le père sera-t-il sauvé? "Et si j'étais en train d'écrire pour le tuer, et pas pour le sauver?", se demande Zabor (290). Comme si Daoud menait une série de combats, cette fable est surtout une quête du pouvoir des mots, mais elle est aussi une quête de soi, de l'intellectuel au milieu d'ignares dans une société régie par l'obscurantisme social et religieux. En partie autobiographique, ce conte est un pied de nez aux intégristes de tous poils, il est un plaidoyer pour la langue de Molière proscrite officiellement en Algérie, le plus grand pays francophone en dehors de l'Hexagone. Car dans ce pays de paradoxes, les intégristes au pouvoir interdisent la "langue colonisatrice" dans les écoles publiques islamisées, mais ne manquent pas de mettre leurs rejetons dans des écoles privées et laïques! Éloge de la langue française universelle, de la raison cartésienne, de Voltaire à Camus, ce frère étranger, Zabor est une fable somptueuse et lyrique. C'est la nouvelle Fleur du mal d'Algérie, un conte superbe, émouvant et élégamment écrit. [End Page 204]

Alek Baylee Toumi
University of Wisconsin, Stevens Point
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