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Reviewed by:
  • Petit paysan réal. par Hubert Charuel
  • François Massonnat
Charuel, Hubert, réal. Petit paysan. Int. Swann Arlaud, Sara Giraudeau, Isabelle Candelier, Bouli Lanners. Domino, 2017.

Des vaches. Partout dans la chambre et dans le salon, des vaches. Il y en a tellement dans la maison de Pierre (Swann Arlaud) à son lever qu'il doit péniblement se frayer un étroit passage pour traverser le salon et gagner la cuisine. Là, un bovidé regarde le jeune homme dans les yeux comme il boit son café debout, au son d'un autre qui beugle derrière lui. Son calme ne laisse pas de place au doute: il a l'habitude, c'est comme ça tous les matins. À travers cette cocasse séquence d'ouverture qui s'avère un rêve immédiatement perturbé par le son criard d'un réveil, le spectateur comprend combien ses bêtes occupent l'esprit de Pierre. Trop, sans doute. À peine debout, il tire le rideau et les regarde paître dans les champs sur lesquels donne sa fenêtre. Bien plus que son gagne-pain, elles sont celles pour qui il néglige ses amis et feint d'ignorer les avances de la boulangère. Elles ont un nom, il leur parle avec affection au moment de les nourrir ou de les traire. Alors, quand l'une d'entre elles semble atteinte d'une maladie grave et contagieuse, Pierre glisse rapidement dans la folie, et le premier film d'Hubert Charuel abandonne peu à peu le mode de la chronique paysanne pour devenir une sorte de thriller agricole et ahuri. La première partie du récit inscrit en effet Pierre dans son monde de façon quasi-documentaire. Le réalisateur, fils d'agriculteurs, fait découvrir au spectateur citadin les gestes, le vocabulaire et les règles qui régissent un métier à mi-chemin entre tradition ancestrale et modernité. Le film est ainsi traversé [End Page 240] des préoccupations, des angoisses, voire parfois de la paranoïa qui agitent des paysans aux prises avec les pouvoirs publics, l'Union européenne, et les enjeux de productivité et de sécurité alimentaire sur lesquels ils n'ont pas complètement prise. Servi par un acteur de grand talent, le film construit pied à pied une tension dramatique saisissante au gré d'un scénario habilement bâti et, paradoxalement, souvent drôle. Pris dans une sorte de devenir-animal, en symbiose avec des vaches que le réalisateur humanise, Pierre se débat, prisonnier d'une mécanique qui s'emballe et le mène au désastre. Précis et maîtrisés, cadrage et lumière confèrent à la mise en scène une élégance de tous les instants. Cependant, cette maîtrise n'entrave en rien l'émotion qu'elle contribue au contraire à faire naître et présage des lendemains cinématographiques heureux pour Charuel.

François Massonnat
Villanova University (PA)
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