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Reviewed by:
  • Littoral by Bertrand Belin
  • Khadija Khalifé
Belin, Bertrand. Littoral. P.O.L, 2016. ISBN 978-2-8180-4090-4. Pp. 96.

Quiconque cherche à lire un récit linéaire avec une action, un noeud, une évolution et un dénouement sera dérangé par ce texte qui se place à plus d'un titre sous le signe de l'anti-roman. D'abord, les indices temporels de l'époque sont inexistants. On signale à plusieurs reprises l'armée "d'un pays quelconque" qui parle en langue étrangère, ce qui suppose que l'histoire a lieu pendant quelque occupation, mais on ne peut pas repérer la période exacte où se déroule l'événement. Ensuite, le cadre de la mer et du littoral représente une simple toile de fond à laquelle ne se rattache aucune description informative, à part la mention de quatre ports d'une île. En outre, les personnages principaux sont trois pêcheurs dépourvus de fiche identitaire ou signalétique (âge, physionomie, passé, ambitions, caractéristiques psychologiques, etc.). Ils sont simplement désignés par "l'autre", "le plus jeune" et "le troisième homme". Enfin, l'histoire commence par le noeud, qui plus est un noeud indénouable. Voilà donc les ingrédients majeurs du discours narratif du dernier texte de Bertrand Belin. Cela dit, le récit est loin d'être assimilé à la littérature surréaliste ou absurde du siècle dernier. Ce sont les références et les signes fixes qui y manquent, mais sans toutefois empêcher que s'y déroule une histoire. Celle-ci commence par un délit involontaire de la part des trois pêcheurs: un cormoran s'est pris dans leur filet. Ce crime majeur, exceptionnel, auquel on se réfère par "l'événement", va articuler le récit de bout en bout. Autrement dit, ce noeud-là devient le sujet et l'objet même de l'intrigue. Dorénavant, faute de pouvoir réparer cette perturbation, on voudrait en appréhender les circonstances. Au premier abord,"personne à bord n'a compris ce que c'était", il était "impossible sur le moment de deviner ce que c'était" (8). Les trois pêcheurs finissent par comprendre. Vu l'envergure du délit, on n'y croyait pas. Qui aurait pu croire que l'oiseau, symbole de l'élan et du dynamisme, puisse devenir "raide comme du bois" (8, 9, 14)? "Qui aurait pu dire?" (8, 21, 27, 29) est une interrogation récurrente que tout le monde se pose parce qu'"il y avait du monde sur le quai" (21, 26, 29, 30, 32, 36, 86), et maintenant "tout le monde est au courant" (26, 27, 29, 30, 31, 32). Les mêmes phrases qui scandent les pages du texte témoignent de la stagnation de l'intrigue, des actions et des pensées autour du noeud qu'est la capture involontaire du cormoran. Nonobstant, une mutation a lieu, une évolution unique déclenchée par la nécessité de la sanction. "L'autre", qui est le premier à comprendre et à saisir le cormoran et qui, de surcroît, a battu un membre de "l'armée d'un pays quelconque", sera arrêté. Autant dire que le noeud débouche sur un autre noeud. Et c'est ainsi que se termine ce court roman. [End Page 199]

Khadija Khalifé
University of Portland (OR)
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