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Reviewed by:
  • Un temps pour mourir: derniers jours de la vie des moines by Nicholas Diat
  • Michel Gueldry
Diat, Nicholas. Un temps pour mourir: derniers jours de la vie des moines. Fayard, 2018. ISBN 978-2-213-70563-7. Pp. 227.

Ce livre méditatif nous invite quatre fois. L'invite première est un pèlerinage dans huit grands monastères historiques, un émerveillement devant l'architecture monastique et son harmonie avec les étangs voisins, les champs, la montagne, le vent, la lumière et les saisons. Lagrasse "château occitan [...] au milieu des Corbières vallonnées et arides" (21); En-Calcat "belle et singulière abbaye [qui] ressemble à un château de Louis II de Bavière, perdu dans les champs et les frondaisons tarnaises" (47); Solesmes "harmonieux, solide, rayonnant" (76); "l'austérité, le dépouillement, la gravité, la radicalité" (130) de Cîteaux; Fontgombault "blottie au fond de la campagne" de la Creuse (157); la Grande Chartreuse "rencontre mystique entre un lieu et un ascète" (200), Sept-Fons (Bourbonnais) et Mondaye (Calvados). Cette plongée dans la France profonde nous rappelle son riche patrimoine et les continuités de son histoire. L'invite seconde présente une galerie de portraits de moines, divers par leurs origines et leurs ordres, semblables par la foi et le sacrifice. Y dominent la douceur, l'intégrité, et surtout, l'amour, le calme, la joie, le service. L'auteur semble idéaliser quelque peu. Mais l'individu ne disparaît pas sous son froc: frère Vincent, agriculteur normand "joyeux, rieur" (24); dom David "sans affectation" (50), le père Bernard "farceur, chaleureux" (79), etc. Ces vignettes et anecdotes adoucissent heureusement le propos central de l'ouvrage. En effet, l'invite tierce et centrale est une méditation sur le corps souffrant, l'agonie et la mort, et les réactions des malades et de leur communauté. L'auteur est précis: les maladies sont nommées, les symptômes décrits, les dégradations analysées. Il est aussi courageux voire novateur: il parle des maladies mentales, de la dépression, des peurs et des résistances des moines devant les souffrances et le trépas, des déchirements des cénobites. À l'inverse, il montre aussi maintes morts douces et lumineuses, et des faits vraiment étonnants: des moines qui par obéissance au père abbé repoussent l'inéluctable jusqu'au jour décidé d'avance, des relaxations radieuses, inexplicables des visages, de l'esprit et des corps in extremis ou post-mortem. Enfin, cet ouvrage évoque les tensions entre la mort monachique et la logique des milieux médicaux, entre la mort chrétienne et la société française laïque. L'auteur critique [End Page 220] justement la logique comptable de certains hôpitaux ou à l'inverse leur logique technologique et leur acharnement thérapeutique, le manque de communication, les déserts médicaux. D'autres critiques semblent plus aventurées: blâmer les vaccins pour la sclérose en plaque (24); accuser les médecins d'expérimentation médicales secrètes (65). La France n'a pas, hélas, l'équivalent d'Elisabeth Kübler-Ross, mais des historiens de la mort comme Philippe Ariès et des sociologues comme Edgar Morin aident à comprendre ses valeurs et attitudes face à elle. La laïcité républicaine, indispensable pour vivre ensemble en paix, a toutefois des limites: elle n'apporte aucune réponse aux questions fondamentales. Les Français vivent plus proches du carpe diem que du memento mori mais doivent quand même développer un ars moriendi—un art de mourir. Ce livre, direct et dépouillé tel un cloître cistercien, y contribue.

Michel Gueldry
Middlebury Institute of International Studies (CA)
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