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  • Histoires de mariage: le mariage dans la fiction narrative française (1515–1559) by Laetitia Dion
  • Hervé-Thomas Campangne
Dion, Laetitia. Histoires de mariage: le mariage dans la fiction narrative française (1515–1559). Garnier, 2017. ISBN 978-2-406-06171-7. Pp. 587.

La place du mariage dans la littérature narrative française de la Renaissance a déjà fait l'objet de nombreux articles et chapitres d'ouvrages collectifs, mais jamais d'une véritable synthèse mettant clairement en évidence la manière dont les thèmes du mariage clandestin, du consentement parental ou de l'adultère sont intimement liés au renouvellement des formes du récit bref dans les années 1515–1559. Offrir une telle synthèse est le défi que s'est fixé Laetitia Dion en rédigeant cet ouvrage substantiel et bien conduit. L'approche choisie, qui procède à la fois de l'histoire des idées et de l'analyse littéraire, a permis à l'auteur de porter un regard souvent original sur un corpus varié qui va des Cent nouvelles nouvelles de Philippe de Vigneulles aux Histoires tragiques de Pierre Boaistuau, en passant par L'heptaméron ou encore les Contes amoureux de Jeanne Flore. L'étude proposée est divisée en trois parties. Dans un [End Page 199] premier temps, Dion décrit les métamorphoses de l'institution du mariage dans la première moitié du seizième siècle, en rappelant qu'Erasme et les humanistes de son époque fondèrent l'éloge de la vie conjugale sur une virulente critique du célibat. Le concile de Trente ira lui aussi dans le sens d'une réhabilitation de l'état conjugal, tandis que Jean Bodin et d'autres recourent à la famille comme métaphore du pouvoir politique pour construire un nouveau modèle étatique. Dans ce contexte se développe chez les élites politiques et lettrées une réflexion critique approfondie portant sur les conditions de formation des alliances, la stabilité des familles et la nécessité d'une harmonie entre les époux du point de vue de l'âge et de l'appartenance socio-économique. La seconde partie du livre offre une typologie détaillée des situations matrimoniales observées dans la fiction narrative de la fin du Moyen Âge à la Renaissance. L'hypothèse proposée est que l'actualité religieuse, politique et intellectuelle de la période engendre un renouvellement de la matière narrative. Ainsi des auteurs comme Hélisenne de Crenne ou Marguerite de Navarre se dégagent-elles des traditions courtoise et facétieuse pour porter un regard nouveau sur l'adultère et, dans plusieurs cas, revaloriser des figures féminines. Dans le dernier volet du triptyque, l'auteur montre que les rapports problématiques qui se profilent entre les individus et les règles de la vie conjugale ont considérablement influencé la poétique de la nouvelle renaissante. Tout en décrivant les modalités du "brouillage de l'exemplarité" (528) décelé dans les textes étudiés, Dion rend compte de l'expérimentation de modes de narration très originaux chez des auteurs comme Jeanne Flore ou l'anonyme A.D.S.D., qui composent, autour des thèmes liés aux transgressions de l'ordre conjugal, des récits spectaculaires et édifiants annonçant le succès des Histoires tragiques de Boaistuau et de Belleforest dans les années 1560–1580. Un ouvrage d'une telle ampleur pourrait donner une impression d'inventaire. Dion a su éviter cet écueil en faisant alterner des "états des lieux" et de belles pages de synthèse pour proposer une étude qui intéressera les spécialistes de l'histoire littéraire et de l'histoire culturelle.

Hervé-Thomas Campangne
University of Maryland, College Park
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