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Reviewed by:
  • MFKZ réal. by Guillaume Renard, et Shoujiro Nishimi
  • Jean-Louis Hippolyte
Renard, Guillaume, et Shoujiro Nishimi, réal. MFKZ. Ankama, 2018.

Mutafukaz (diffusé sous le titre MFKZ aux États-Unis, pour raisons de censure) est un film parfait. Dans la pléthore de films d'animation français de ces deux dernières décennies, Mutafukaz impose son esthétique spectaculaire et son amour du cinéma contemporain dans un domaine déjà riche de films exceptionnels. Coréalisé par un studio français (Ankama) et son homologue japonais (Studio 4°C), il témoigne de l'évolution rapide et spectaculaire de l'animation française, riche pépinière d'esthétiques, de mouvements et de créateurs. Là où Mutafukaz brille, c'est d'abord dans sa mise-en-scène acrobatique et ses scènes d'action qui n'ont rien à envier aux meilleures productions hollywoodiennes. En cela, le film affirme l'importance cruciale du mouvement au cinéma, non seulement mouvement physique (corps, balles et véhicules traversent ici l'écran à la manière d'un ballet hyper-cinétique), mais aussi mouvements des genres, fusion postmoderne au ludisme affiché. On ne saurait ici compter les nombreux clins d'œil à des genres aussi divers que la science-fiction, l'anime, le film noir, le documentaire, le jeu vidéo ou encore la lucha libre (sous-genre établi du cinéma mexicain). Et c'est là que le graphisme de Guillaume Renard (le créateur français de la B.D. Mutafukaz) et du metteur en scène japonais Shoujiro Nishimi s'impose dans sa fusion réussie d'un pulp stylisé et d'une culture urbaine. On avait déjà remarqué quelque chose de semblable dans Tekkonkinkreet, autre chef-d'œuvre de Nishimi, qui lui aussi avait su remporter l'adhésion de son public, tant il manœuvrait codes et esthétiques avec un talent indéniable. Enfin, ce film est avant tout un hommage à une ville, Los Angeles, rebaptisée Dark Meat City (ou DMC, "dégueu, merdique et crade"). Dès la première scène, on comprend que l'action se déroule non dans le L.A. que nous connaissons, mais dans son double exacerbé, où l'immensité horizontale quadrillée de rues et de palmiers sert de cadre à l'histoire [End Page 196] déjantée de deux losers, Angelino et son pote Vinny (dont le crâne en feu n'est jamais expliqué mais qui sert d'hommage à une culture urbaine interlope). L'histoire raconte le trajet dystopique d'Angelino, être hybride né d'une femme et d'un macho, une race d'extra-terrestres aux pouvoirs mystérieux qui menace de coloniser la planète, à la façon des aliens de They Live (1988) de John Carpenter ou de ceux de la fameuse série The Invaders (1967). Mais à la différence des extra-terrestres classiques des œuvres ici citées, les machos sont eux des aliens post-humains, c'est-à-dire des êtres polymorphes, indéfinis, et infiniment menaçants dans ce rapport inversement proportionnel entre leur incertitude protéenne et leur ubiquité dans les cercles du pouvoir, jusqu'à la Maison Blanche. C'est là peut-être que Mutafukaz impressionne le plus, dans cette tension paranoïaque qui sous-tend la trame narrative et lui donne son élan. C'est peut-être aussi cette capacité qu'a le cinéma d'animation de transcender ou recombiner les codes génériques qui explique la domination croissante de l'animation française (et mondiale) sur le cinéma en prise de vues réelles.

Jean-Louis Hippolyte
Rutgers University, Camden (NJ)
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