In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Félicité réal. by Alain Gomis
  • Marion Geiger
Gomis, Alain, réal. Félicité. Int. Véro Tshanda Beya Mputu, Gaetan Claudia, Papi Mpaka. Andolfi, 2017.

Le film commence dans un bar de Kinshasa: les clients sont fatigués, ivres, et la bagarre est prête à éclater quand Félicité, une chanteuse au regard austère et à la voix envoûtante, captive son public et apaise la situation. Le lendemain, on découvre le petit appartement qu'elle partage avec son fils adolescent. Il lui faut un réparateur pour son frigo. C'est Tabu, un des réguliers du bar, soulard, querelleur, qui promet avec grandiloquence d'arranger le problème (sa tentative échoue, mais il revient le jour suivant, et plusieurs fois par la suite, sans jamais réussir dans sa réparation). Félicité, fière de son indépendance et subsistant dans les marges de la société grâce à son art, voit sa vie bouleversée par un accident de moto de son fils. Il risque de perdre une jambe et peut-être la vie si sa mère ne trouve pas l'argent pour une opération. Avec cette intrigue, Alain Gomis crée une sorte d'expérience cruelle mettant à l'épreuve son héroïne: comment Félicité s'en sortira-t-elle, elle qui a choisi de vivre libre, sans compromis, elle qui veut échapper à la morale étouffante et à l'hypocrisie sociale, lui préférant une vie d'indépendance et de solitude? La première partie du film, focalisée sur l'action externe, montre une mère qui lutte: afin de sauver son fils, Félicité, animée par la rage du désespoir, traverse la ville pour solliciter de l'aide; elle réclame d'anciennes dettes, affronte le mépris de sa famille et de voisins mesquins (filmés comme des spectres sans consistance ni âme); elle se fait humilier et battre par d'anciennes relations pour quelques billets supplémentaires. Le soir, elle chante dans le bar où elle peut s'oublier. Alternant des scènes de jour et de nuit, le film inscrit Félicité dans un tissu urbain souvent brutal (au marché, un voleur est battu jusqu'au sang par la foule), mais offre aussi des moments contemplatifs plaçant Félicité dans des paysages déserts. Gomis établit ainsi un contraste entre la grande ville, lieu grégaire, bruyant, indifférent, et l'individu libre, solitaire en lutte avec le chaos et la destruction. Pour réunir ces contrastes, Gomis insère des scènes de musique chorale de l'orchestre symphonique de Kinshasa jouant des morceaux exprimant une émotion retenue mais profonde, soulignant ainsi la beauté tragique, la tristesse et la grandeur du destin de Félicité. L'histoire est envisagée selon un modèle romantique: l'individu réalise sa liberté et son bonheur en défiant les normes de la société. Félicité surmontera la catastrophe. Quand son fils Samo perd sa jambe et le goût de vivre, le désespoir la saisit (la nuit, elle descend en robe blanche dans le fleuve, chaque soir un peu plus profondément). Elle résiste cependant au suicide. C'est Tabu qui redonne courage au fils et le fait rire avec ses efforts maladroits pour réparer le frigo. Le début d'une relation non-conventionnelle entre Félicité et Tabu affirme à nouveau le choix d'une vie libre, un concept qui unit [End Page 189] les diverses strates narratives de ce film au langage visuel fascinant, combinant réalisme social et surréalisme.

Marion Geiger
California State University, San Marcos
...

pdf

Share