Questions identitaires dans les récits afropéens de Léonora Miano par Marjolaine Unter Ecker (review)

Cet essai vient s'ajouter à la critique littéraire dédiée à la nouvelle vague d'écrivains francophones dits "modernes" ou émergents dont Miano fait partie. Comme ces écrivains, Miano focalise sa fiction narrative et son étude littéraire sur l'immigré afrodescendant vivant en Occident. Dans un contexte socioculturel, cette étude se déploie au coeur de la démarche afropéenne à interroger, pour reprendre Pénélope Dechaufour dans son article "Tisser sa trame". Notamment, l'oeuvre romanesque de Miano repose sur la question de l'identité des subsahariens qui se sont installés ou qui sont nés en Occident: ces subsahariens portent généralement le nom d'Afropéens dans ses récits. En s'appuyant sur des textes de Miano, Unter Ecker montre en trois parties comment l'identité des Afropéens se forme. Elle analyse l'apparence physique (idem) des Afropéens, leur rapport avec l'autre (ipse) et l'impact de l'histoire et des expériences dans leur vie (éthique). Pour nous situer dans le décor narratif de Miano, Unter Ecker présente l'auteure et cinq de ses oeuvres dans une optique à la fois théorique et littéraire afin d'expliquer comment l'idem, l'ipse et l'éthique y sont essentiels à la construction identitaire des Afropéens. Situant le corpus littéraire de Miano dans la période postcoloniale, Unter Ecker s'appuie sur une bibliographie d'intellectuels de la littérature africaine pour aborder la question de l'identité afropéenne. Partant d'une analyse pertinente, l'auteure ne manque pas d'examiner en profondeur les termes-clés caractérisant la littérature de la nouvelle génération en créant une cartographie de notions telles que l'au-delà des frontières des paysages africains et français, la migritude, les mouvances postcoloniales, l'exil, la pluralité d'affiliations, et le Paris-espace scénique dans le but de discuter "des questions identitaires" dans le schéma narratif de Miano. À ce titre, Unter Ecker démontre habilement la corrélation entre ces notions et la formation de l'identité des Afropéens, et elle considère la relation des Afropéens avec le monde en ce qu'elle donne lieu à une réalité transductive qui les définit en dépit de leurs multiples mutations engendrées par leurs expériences avec l'Occident. Sous cette perspective phénoménologique, cet essai se singularise par sa tentative de comprendre l'environnement dans lequel l'afrodescendant développe son identité. À cet égard, tout comme Edward Said et son idée orientaliste, Unter Ecker démontre que l'identité de l'Afropéen se construit dans ses rapports changeants et complexes avec l'Occident, ce qui l'amène à soutenir qu'étudier l'identité de l'Afropéen "en particulier en revient toujours à étudier aussi le regard extérieur—donc le monde environnant—qui le définit" (26). En s'ajoutant à la réflexion critique déjà existante sur les oeuvres de Miano, le travail de Unter Ecker permet d'explorer et de percevoir les réalités socioculturelles et la singularité de l'identité de la diaspora africaine en Occident. En guise de conclusion, l'auteur propose trois aspects qui constitueraient l'identité hybride—née de la rencontre de deux paysages distincts—de l'Afropéen. En plus d'illustrer concrètement l'idéologie et la complexité de l'identité du citoyen d'Afropéa, cet essai offre un départ de lecture et de réflexion à ceux qui n'ont aucune connaissance approfondie de l'oeuvre de Miano.