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Reviewed by:
  • La fille à histoires by Irène Frain
  • Florence Ramond Jurney
Frain, Irène. La fille à histoires. Seuil, 2017. ISBN 978-2-02-134194-2. Pp. 258.

Un rendez-vous raté entre mère et fille, c'est bien ce qui nous reste de ce récit qu'on referme avec un regret teinté d'impuissance. Irène Frain nous raconte ici la relation problématique qu'elle a entretenue avec sa mère qui, selon ses dires, n'a jamais voulu l'aimer. Bonne mère, elle a toléré sa fille mais n'a jamais pu lui montrer les signes d'affection visibles que cette dernière aurait voulu recevoir. La fille à histoires devient la trace écrite d'un récit où Irène essaie par tous les moyens de créer une relation mère-fille débordante d'amour alors que la réalité telle qu'elle nous la suggère ne reflète que la misère du quotidien et l'impatience d'une mère dépassée par ses cinq enfants nés à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Divisée en quarante-deux courts chapitres, la narration présente les histoires maternelles qui, à défaut de câlins et d'embrassades, ont nourri sa fille. D'un détail naît une histoire racontée par la mère et présentée dans tout le contexte magique qu'elle avait pour sa jeune fille. Le thème principal est ensuite repris par l'auteure qui le développe tout en lui donnant le sens nécessaire à sa propre perspective. Ces récits maternels dont elle se nourrit à travers des scènes précises—une boîte de boutons qui deviennent des personnages, une après-midi à écouter les voisines parler tout en buvant leur "jus" (mélange de café et de chicorée)—deviennent prétexte à inventer des histoires lorsqu'Irène se retrouve seule. Elle devient ensuite raconteuse d'histoires, embellissant par des mots colorés les images de l'Odyssée pour ses petites voisines. De raconteuse à écrivaine, il n'y a qu'un pas, et Irène se rend compte que sa propre perspective sur la vie a une valeur, à savoir celle qui donne toute son importance à l'écrivain. En fait, il est clair qu'Irène Frain n'a jamais lâché le fil des histoires. Déjà, quand elle s'accrochait aux fils de la toile cirée en écoutant sous la table les voisines [End Page 252] et sa mère parler, elle ne voulait pas perdre le fil de ce qui se déroulait sous ses yeux, sachant instinctivement qu'il ne fallait pas que ce fil se casse, littéralement et symboliquement. Frain essaie bien d'expliquer le manque d'amour de sa mère, mais sans jamais le lui pardonner, et c'est peut-être cette condamnation qui est la plus triste dans ce récit. Et pourtant, Irène ne manque pas de rendre hommage à sa mère à qui elle doit sa propre passion pour le monde de l'imaginaire dans lequel elle évolue quotidiennement: "S'est-elle aperçue qu'elle était la mère de mes histoires?" (249). Ainsi, même si le père offre à Irène l'affection que la mère ne peut lui donner, c'est celle-ci qui donnera un véritable sens à la vie d'Irène moyennant la possibilité de la narration d'histoires.

Florence Ramond Jurney
Gettysburg College (PA)
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