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Reviewed by:
  • Tristan by Clarence Boulay
  • Michèle Bacholle
Boulay, Clarence. Tristan. Sabine Wespieser, 2018. ISBN 978-2-84805-279-3. Pp. 186.

Manchots, gorfous, albatros, pétrels, phoques et éléphants de mer, telle est la faune que découvre Ida sur Tristan, île de l'Atlantique sud dont la côte la plus proche est à sept jours de mer, si difficile d'accès qu'on la surnomme le caillou. Parce qu'ils ont tiré au sort la dernière place restante sur le langoustier, l'illustratrice française a laissé derrière elle son compagnon à qui elle écrit dans un carnet. Ce départ la changera à jamais, car "[e]mbarquer, c'est forcément prendre une distance, emprunter une tangente [...] dès l'instant où tu embarques, c'est fini, tu ne te sentiras plus jamais comme ceux qui restent. Il y a les terriens et il y a les autres" (27), lui explique le premier lieutenant du bateau. Unique repère dans un énorme périmètre, seule zone habitée de la région—depuis 1827, alors qu'elle figure sur les cartes depuis 1509—l'île d'environ trois cents habitants est un lieu d'alerte, son histoire se résumant à celle des naufrages survenus dans les parages. Ida en fait personnellement l'expérience puisqu'à peine débarquée et installée chez ses hôtes, entre mer et volcan, elle vit un accident de cargo. Ida prête main-forte, d'abord en aidant à nourrir des manchots mazoutés—sept cents sont regroupés dans la piscine municipale—puis en se portant volontaire pour nettoyer Bird Island, tâche énorme au vu des moyens dérisoires et qu'elle accomplit avec trois îliens, dont Saul. "What happens in Bird Island stays in Bird Island" (93). Sauf que sur l'île, tout se sait et ni l'hôtesse d'Ida (la sœur de Saul) ni la femme de Saul ne sont dupes. La communauté de Tristan, qui ne connaît ni vol ni violence, d'abord chamboulée par le naufrage, voit son frêle équilibre menacé par la relation amoureuse entre Saul et Ida—aussi interdite que celle de Tristan et Yseult puisque l'île n'a connu encore aucun divorce. Comme ces touristes qui, vers la fin du roman, amènent une maladie dont les îliens mettront des mois à se remettre, en débarquant [End Page 250] Ida, L'Austral apporte un élément étranger perturbateur que l'île doit rejeter pour le maintien de son écosystème. Andreï, le Bulgare et seul étranger sur Tristan—puisque le "droit d'implantation est interdit" (117), sauf par mariage—lui explique la précarité de l'île et de ses habitants qui, contrairement à elle, y resteront "toute leur vie, avec leur passé, leurs histoires, leurs rancunes, leurs frustrations, leurs bonheurs aussi" (176) et l'enjoint à profiter du passage du Spire pour repartir. Trois semaines plus tard, les retrouvailles avec Saul, aussi gauche sur une promenade du Cap que l'albatros baudelairien sur son navire, ne laissent aucun doute sur l'avenir de leur amour. À la manière de l'île sur laquelle elle a passé huit mois, où l'imprévisibilité des vents le dispute au temps étale, Boulay fait souffler, dans son premier roman narré à la première personne, un vent nouveau sur un poncif littéraire: l'amour adultère. Par cette invitation au voyage toute particulière, elle nous fait chavirer autant que son héroïne.

Michèle Bacholle
Eastern Connecticut State University
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