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Reviewed by:
  • La Fontaine, une école buissonnière par Erik Orsenna
  • Marie-Agnès Sourieau
Orsenna, Erik. La Fontaine, une école buissonnière. Stock, 2017. ISBN 978-2-234-08248-9. Pp. 210.

Parmi les biographies de La Fontaine et les innombrables critiques de son oeuvre, certaines continuent à l'illuminer, dont celles de Fumaroli, Orieux, Dandrey, parmi quelques autres. La promenade buissonnière à laquelle nous convie Orsenna fait partie de ces études érudites et captivantes qui resteront marquantes. Jean de La Fontaine, qui grandit dans une petite ville de Champagne, est un enfant rêveur, épris de liberté. Il aime la campagne, son rythme paisible et ses gens modestes même quand devenu jeune homme "il ne peut se passer des frénésies parisiennes" (15). La nature, celle des fermes de sa famille et celle qu'il découvre à l'école dans Virgile et les Anciens l'inspirent à jamais tout comme les récits historiques de rois, de reines et de batailles. Quel avenir se prépare ce joyeux luron, coureur de jupons, persifleur, anticlérical qui préfère L'Astrée aux Confessions de saint Augustin et les gaillardises du Quartier latin [End Page 235] à l'étude du droit? À "consommer les heures" à Château-Thierry et à jouir de tous les plaisirs à Paris, La Fontaine dilapide la fortune de sa mère puis la dot de sa jeune épouse et s'avère incapable de gérer sa charge de Maître des Eaux et Forêts (36). Toute sa vie il manquera d'argent et dépendra de la générosité de ses amis pour sa survie. Certes il reçoit une pension du surintendant Fouquet pour son poème de six cents vers le glorifiant, une faveur de courte durée puisque le Roi-Soleil fera bientôt emprisonner son flamboyant ministre. En prenant la défense de Fouquet avec une "Élégie aux nymphes de Vaux" La Fontaine perd toute chance de recevoir quelques subsides du tout-puissant monarque d'autant plus que Colbert s'évertue à lui nuire par tous les moyens. Comment alors subsister lorsqu'on veut garder sa liberté d'auteur et que vos rentes sont épuisées? La Fontaine commence par écrire des'coquineries', contes grivois comiques et bien tournés qu'il tire de Boccace et de l'Arioste. Ces récits 'immoraux' tout comme ses poèmes et textes de circonstance séduisent un public grandissant. Mais le chef-d'oeuvre reste à venir. Ce n'est qu'en 1668 qu'il publie ses premières fables, vingt-six au total, dont "La cigale et la fourmi", "Le corbeau et le renard" et tant d'autres devenues immortelles. Elles sont dédiées au Dauphin et Sa Majesté, à qui elles sont présentées, exprime son admiration en lui remettant un sac de mille pistoles. On sait se faire courtisan quand la nécessité vous y pousse. Se prétendant paresseux mais en réalité travailleur acharné jusqu'à son dernier souffle, il poursuit son oeuvre dans la tradition des récits animaliers, mettant en scène plus de soixante espèces différentes. L'eau dans toutes ses métamorphoses baigne sa fiction tout comme la nature qu'il aime tant et observe implacablement parce qu'elle embrasse celle, immuable, de l'être humain. Avec verve, gaieté et érudition Orsenna nous fait redécouvrir les merveilles de cette oeuvre géniale, des contes polissons si divertissants, aux textes pieux révélant un La Fontaine terrifié par l'approche de la mort, aux fables si puissantes dans leur vérité.

Marie-Agnès Sourieau
Fairfield University (CT)
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