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Reviewed by:
  • Lola Pater réalisé par Nadir Moknèche
  • Marius Conceatu
Moknèche, Nadir , réal. Lola Pater. Int. Fanny Ardant, Tewfik Jallab, Nadia Kaci . Blue Monday, 2017.

Aura-t-on jamais regardé Fanny Ardant comme un homme? C'est la question que se pose le spectateur à chaque fois que la star du cinéma français brûle l'écran d'une féminité sans reste. Au point que l'on pourrait se demander si ce mélodrame touchant mais prévisible n'aurait pas été mieux servi par une actrice transgenre dans le rôle titulaire d'une femme transgenre. Ou bien, si contre-emploi il y a, pourquoi ne pas employer un homme pour incarner Lola Chekib, professeure de danse orientale, anciennement Farid Chekib, père de Zino? Lorsque sa mère meurt, Zino part à la recherche de son père qui avait disparu lorsqu'il était enfant. Le but de sa quête n'est pas la réconciliation, mais ce sont les formalités de succession, car ses parents sont restés mariés même après le départ du père. Cette prémisse prometteuse, ajoutant au thème de la transsexualité celui du (dys)fonctionnement d'une famille d'origine algérienne, avec toutes les nuances culturelles qui peuvent s'ensuivre, ne vise pas à provoquer des réflexions militantes au sujet de la tolérance envers les personnes transgenres, dans la société ou même au sein de la famille. Le traitement d'un sujet [End Page 216] aussi délicat se fait sur un ton intime, très impliqué émotionnellement, réclamant la sympathie du spectateur. Quelques solutions du scénariste restent superficielles, trahissant un certain dramatisme artificiel. La composition du personnage de Lola abonde en lieux communs: la femme transgenre est difficile et hantée par son passé, boit trop, aime les femmes, pas les hommes (rien de nouveau après la série Transparent), commet des actes démonstratifs insensés et, dans tout ce qu'elle dit et fait, Lola est plus femme que femme—une manifestation expressionniste de la loi de la compensation. D'autre part, la volupté avec laquelle Nadir Moknèche met en scène cette personnalité forte qualifie Lola Pater d'oeuvre de passion. La caméra adore la "dame grande, brune et distinguée", selon la description faite par un personnage secondaire, et se régale d'incessants clins d'oeil au spectateur, nous incitant à rechercher le Farid dedans Lola avec chaque mouvement, parole, regard et silence de Fanny Ardant. Le récit marque les brouilles et les réconciliations successives du fils et de son Pater, racontées sur un ton mi-comique, mi-sérieux, créant l'occasion de briller pour Ardant. Forcée à appréhender le concept de paternité après toute une vie passée à reconstruire de fond en comble son identité de genre (on comprend qu'elle a subi des opérations de changement de sexe), Lola est tout aussi bouleversée que Zino. Et pourtant, la tension entre les deux a moins à voir avec l'identité transgenre du père retrouvé qu'avec la colère d'un fils souffrant d'avoir été abandonné par son papa. Nous comprenons que le grand défi pour Lola à l'égard de Zino sera de faire en sorte qu'elle prenne la relève de la mère morte tout en restant son Pater. Moknèche livre un nouveau portrait de diva inénarrable dans le genre de Pedro Almodovar, mais pas au même niveau, après Délice Paloma (2007) et Viva Laldjérie (2004).

Marius Conceatu
DePauw University (IN)
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