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Reviewed by:
  • Plaire et toucher: essai sur la société de séduction by Gilles Lipovetsky
  • Virginie Ems-Bléneau
Lipovetsky, Gilles. Plaire et toucher: essai sur la société de séduction. Gallimard, 2017. ISBN 978-2-07-2749990-2. Pp. 467.

Lipovetsky dévoile le rôle que joue la séduction dans tous les domaines de notre société. La première partie du livre retrace l'histoire de la séduction amoureuse et érotique depuis les sociétés antiques jusqu'à nos jours, soulignant en particulier les révolutions que furent le mariage d'inclination et la médiation amoureuse par Internet. [End Page 248] Si les arguments paraissent parfois décontextualisés ou sensationnalistes, cette partie a pour intérêt de soulever des questions fascinantes et controversées sur notre mode de vie hypermoderne. Dans la deuxième partie, l'auteur analyse la société de séduction, qui n'est autre que la société de consommation. Si Lipovetsky ne nie pas les dangers liés à l'hypermodernité et au capitalisme (surconsommation, insatisfaction, endettement, obésité, hyper-sexualisation des jeunes), il défend la société de consommation comme en étant simplement une conséquence, et non la cause. De nos jours, l'individu se voit fragilisé par des centres d'intérêts trop restreints, et parce qu'il n'a pas appris à apprécier la diversité culturelle qui existe aux marges d'un capitalisme abrutissant. L'anthropologue propose de réformer l'éducation afin de nous éloigner des produits commerciaux abêtissants (télé-réalité, musiques populaires, grandes marques) en introduisant une"séduction augmentée" (423) où la"haute"culture (musique classique, art, littérature) saurait à nouveau séduire. Ironiquement, cette nouvelle éducation se doit d'éviter "les dérives de l'école attractive (motivation, jeu, découvertes et libres initiatives des élèves)" (418) en insistant sur l'apprentissage des humanités, la discipline intellectuelle, mais aussi l'expression créative (musique, art). Le but serait de rouvrir l'esprit de l'apprenant afin de mieux l'équiper à se défendre contre les sirènes de la société de séduction capitaliste. L'une des plus grandes contributions de ce livre se trouve dans son analyse de l'attrait du djihad pour les jeunes nés et éduqués dans les sociétés du monde occidental. À l'inverse du discours des médias qui blâme la précarité sociale des jeunes des banlieues, Lipovetsky suggère qu'il s'agit ici aussi d'une séduction matérialiste rendue possible par le manque d'éducation religieuse et culturelle de jeunes issus de l'immigration, toutes classes sociales confondues. N'ayant que peu, voire aucune connaissance de l'islam et de la culture de leurs parents, ces jeunes sont vulnérables à la propagande islamiste puisqu'ils ne possèdent pas les connaissances théologiques nécessaires pour y appliquer une évaluation critique. Bien que Lipovetsky n'accuse ni la laïcité, ni le système assimilationniste français, il explique que le djihad répond à des désirs particuliers à cette section de la population: (re)trouver une dignité morale, vivre un destin glorieux, mener une vie palpitante et se forger une identité à la fois individuelle et communautaire. L'individu est-il donc devenu la victime impuissante de cette société de séduction? Le capitalisme a transformé la société en mettant le plaisir individuel, et donc l'individu, au centre de toute activité. Ce dernier en reste ainsi un moteur lucide et actif, comme en témoigne le développement de nouveaux comportements de "ruse" économique (comparateurs de prix, sites de revente, magasins de déstockage). [End Page 249]

Virginie Ems-Bléneau
Georgia Southern University
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