Françoise Sagan à contre-courant par Céline Hromadova (review)

Celle que François Mauriac avait appelée"un charmant petit monstre"a connu un destin littéraire paradoxal: célèbre à dix-huit ans pour Bonjour tristesse (1954), puis progressivement plus connue pour sa vie mouvementée que pour son oeuvre—"Sagan qui a nourri la presse de ses frasques, de ses tournées à Saint-Tropez et de ses nuits au casino" (182)—et enfin presque oubliée. Pourtant, au cours d'une carrière qui a duré une quarantaine d'années, Françoise Sagan a beaucoup écrit, publiant "au rythme d'un livre tous les dix-huit mois" une oeuvre diverse, qui inclut notamment "vingttrois romans et nouvelles" (9). Dans son étude des oeuvres spécifiquement romanesques de l'auteure, Céline Hromadova affirme que, loin d'être d'une dilettante médiatisée, Sagan représente"une vie consacrée à l'écriture" (10). Malgré ses débuts précoces, cette écrivaine prolifique n'a pas cherché à innover ou à faire preuve d'originalité dans le domaine stylistique, ce qui a sans doute eu un effet négatif sur sa réputation critique. De façon générale, Hromadova situe Sagan dans "la tradition d'analyse classique qui continue le travail d'auteurs dont la carrière a débuté avant la Seconde Guerre mondiale: Hervé Bazin, Henri Troyat ou François Mauriac qui, de façons diverses, s'attachent à une description du monde contemporain sans recourir à des innovations techniques" (191). Comme l'indique Hromadova dans le premier chapitre, ce niveau de continuité dans le domaine des conventions romanesques n'a pas empêché Sagan de faire preuve d'engagement politique, au sujet de la guerre d'Algérie (le "Manifeste des 121") ou de la lutte pour la légalisation de l'avortement (le "Manifeste des 343 salopes"). Cependant, cette"romancière mi-bourgeoise mi-bohème" (pour reprendre le titre du deuxième chapitre) n'avait pas pour objectif de produire des romans à thèse. Son oeuvre la rapproche des moralistes du dix-septième siècle, qui observaient leur société et en décrivaient les moeurs de façon précise mais apparemment distanciée. La "fausse légèreté des romans de Sagan" (48) a parfois pu être prise pour du cynisme, alors que l'auteure s'efforçait de faire preuve de lucidité dans ses observations et ses descriptions. Les annexes fournies par Hromadova seront particulièrement utiles pour ceux qui font des recherches sur Sagan. La bibliographie inclut non seulement toute l'oeuvre écrite de l'auteure (y compris les scénarios et les chansons), mais aussi les entretiens qu'elle a accordés et les émissions télévisées auxquelles elle a participé. De même, la liste des études sur son oeuvre inclut les comptes rendus et un choix de sites internet. On trouvera également les résumés des romans de Sagan, ainsi que trois index (des notions, des noms propres et des oeuvres de fiction).