- Le chat qui tombe et autres histoires noires par René Frégni
Ce recueil de nouvelles, dont certaines sont inédites et d'autres ont été publiées dans La Revue de Marseille, nous fournira l'occasion de lire avec grand plaisir de la fiction à petites doses. La première de couverture présente un joli chat tigré avec "des yeux verts extraordinaires" (29) regardant vers le haut. Ce chat fictif de Frégni tombe et se relève maintes fois, donnant à la citation qui se trouve en quatrième de couverture tout son sens: "Lire René Frégni, c'est se régénérer" (Le Sens critique). L'auteur, qui anime des ateliers d'écriture dans les prisons, évoque à plusieurs reprises les mêmes décors. Le chat de la première nouvelle est né dans "la célèbre et sinistre prison des Baumettes, à Marseille" (11) avant de s'évader avec l'aide du narrateur qui promet aux prisonniers "que prendre un stylo, c'est comme prendre un bateau, c'est le début d'un grand voyage" (12). Le jeune Rémi dans "La nuit de l'évasion" veut lui aussi s'évader même si Manu, son camarade de cellule, lui assure que"personne ne s'est jamais évadé d'ici!" (81). Le narrateur de chaque nouvelle nous fournit une belle réflexion à méditer: "On écrit des romans... La vie est souvent plus belle, plus étonnante, plus cruelle que les romans" (28). Ou encore:"J'avais la sensation qu'une force incompréhensible l'avait poussé, une force qui venait de si loin que personne ne pourrait jamais l'expliquer. Une bouffée de violence qui vous traverse le corps une fois dans la vie" (60–61). Plus loin, le narrateur dit: "Je suis aujourd'hui convaincu que les plus grandes histoires d'amour, souvent féroces et dévastatrices, parfois étranges, commencent toujours simplement à la terrasse d'un café" (105). Dans deux de ces nouvelles, l'auteur marseillais insère le prénom de sa vraie fille, Marilou, en tant que jeune admiratrice et camarade d'enfance du chat, et en tant qu'amie fidèle et inattendue d'un prisonnier nommé Valentin qui passe dix ans "dans la prison la plus obscure de France" (160). L'auteur rend hommage à sa mère dans "L'homme qui passe": "Qui nous avait arrachés au néant? Qui nous y renvoyait? Depuis la mort de sa mère, il ne le redoutait plus. La plus vulgaire mouche était éternelle" (38). Frégni rend hommage aussi au football à travers une nouvelle qui porte un titre simple et puissant, "Le ballon": "Marseille est un morceau incandescent du Brésil. Tous les hommes y sont des enfants" (51). Ce même enthousiasme pour le football se voit dans "La nuit de l'évasion" car tous les prisonniers "à la nouvelle prison d'Aix" (62) se réjouissent lorsque,"pour la première fois dans l'histoire du football, une équipe française remportait la coupe d'Europe" (96). Dans la"Vierge Noire", une nouvelle aussi fantastique qu'un conte de Poe, l'auteur [End Page 263] cite Jules Renard en épigraphe pour mettre en valeur la relation entre le réel et le virtuel:"Le merle blanc existe, mais il est si blanc qu'on ne le voit pas, le merle noir n'est que son ombre" (103).