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  • Le rêve de ma mère par Anny Duperey
  • Vivan Steemers
Duperey, Anny. Le rêve de ma mère. Seuil, 2017. ISBN 978-2-02-137150-5. Pp. 216.

Loin de retracer une carrière couronnée de succès, le seizième livre de l'actrice et écrivaine Anny Duperey suit un trajet intérieur tentant de décrypter son parcours professionnel et ses émotions. "J'ai l'impression d'avoir fort peu mené ma vie", commence-t-elle son récit. Sans être nourrie de véritables ambitions, cette femme aux talents multiples confesse avoir été guidée dans sa vie par un solide instinct dont elle nous rend compte. Cette intuition est fortement ancrée dans un traumatisme qu'elle a vécu à l'âge de huit ans lorsque ses deux parents ont été asphyxiés au monoxyde de carbone par un chauffe-eau défectueux, drame que l'écrivaine a évoqué dans Le voile noir (Seuil, 1992). Vivant pendant plusieurs décennies comme funambule-somnambule au-dessus d'un lac noir, c'est-à-dire dans la dépression, elle se dit sauvée par l'écriture, son fil rouge intérieur, et notamment l'écriture du Voile noir. Si cet ouvrage autobiographique est consacré au père et partage des photos prises par lui, dans Le rêve de ma mère, Duperey redécouvre sa mère ainsi que le rôle que celle-ci aurait pu jouer dans la vie de son enfant au-delà de la mort. C'est que l'orpheline précoce a toujours eu des injonctions, des avertissements et une forme de prescience qui l'ont guidée. Cela fait quelques années que Duperey se demande pourquoi la brillante étudiante en beaux-arts a bifurqué tout à coup vers l'école d'art dramatique; et, une fois comédienne de pièces sérieuses de Shakespeare et d'Ibsen, d'où vient son goût pour le cirque, le music-hall et le cabaret. Lorsqu'elle retrouve par hasard le cirque-théâtre d'Elbeuf près de Rouen, où ses grands-parents maternels ont travaillé dans leur jeunesse, elle commence à s'interroger sérieusement sur le rôle et l'héritage de sa mère Ginette. Anny, l'artiste talentueuse, serait-elle l'incarnation du rêve de sa mère Ginette qui fut obligée d'abandonner sa vie professionnelle de photographe à la naissance de sa fille? Le chemin parcouru par Duperey refléterait-il l'itinéraire qu'aurait choisi sa mère avec ses velléités artistiques? La maternité avait mis fin à la liberté d'épanouissement de Ginette dans une société et à une époque où une mère est obligée de s'occuper de son enfant et de "tenir son ménage". Que devons-nous à nos morts? Sans être adepte du spiritisme, l'écrivaine est convaincue que"la puissance de l'esprit est un grand mystère" et que "des événements anciens survenus dans une famille, des traumatismes, des abandons [...] passent d'une manière transgénérationnelle et que ces informations [...] peuvent influencer des vies entières" (207). Vingt-cinq ans après la publication du Voile noir, Duperey semble enfin boucler son histoire. Dans Le rêve de ma mère, la fille renoue le lien avec sa mère qu'elle avait obstinément ignorée si longtemps. Ce [End Page 262] beau récit intimiste, qui inclut une trentaine de superbes photos en noir et blanc, fait office d'une déclaration d'amour posthume d'une femme faisant le bilan de sa vie si riche et éclatante, malgré le drame—ou grâce au drame?—qui a marqué son enfance.

Vivan Steemers
Western Michigan University
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