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Reviewed by:
  • Un sac de billes réalisé par Christian Duguay
  • Marion Geiger
Duguay, Christian , réal. Un sac de billes. Int. Dorian Le Clech, Batyste Fleurial Palmieri, Patrick Bruel, Elsa Zylberstein . Gaumont, 2017.

Ce film réadapte l'autobiographie éponyme de Joseph Joffo (1973) afin d'interpeller une nouvelle génération et lui rappeler les atrocités de la Shoah. Le récit de Joffo raconte le destin d'une famille juive française entre 1941et 1944 à travers les yeux de deux jeunes frères dépouillés de leur enfance par ce que Georges Perec a appelé "l'Histoire avec sa grande hache". Cette interpellation filmique est certainement un compromis: pour renouveler la mémoire historique et face à la nécessité de rappeler une période difficile à aborder, elle se risque à utiliser un certain sentimentalisme, de l'humour et un sentiment d'aventure qui, au péril de trivialiser les événements historiques, contrebalance tout au moins la tragédie du destin des deux frères pour y insuffler un humanisme et une affirmation de vie contrastant avec l'inhumanité du génocide. La beauté des images entend recomposer l'amitié, la complicité, le rire, l'amour paternel, bref tout ce qui soutient et nourrit l'individu face à la menace de la destruction. L'intrigue suit le livre: pour protéger leurs enfants, les parents Joffo décident d'envoyer en zone libre les deux frères Jo et Maurice âgés respectivement de 10 et 12 ans. Le voyage est dangereux. À plusieurs reprises, les frères échappent de [End Page 213] justesse à l'arrestation, que ce soit par chance, par leur présence d'esprit, ou par la solidarité d'adultes. Ils retrouvent leur famille sur la Côte d'Azur. Quand l'occupation s'étend, la famille doit à nouveau se séparer. Les frères trouvent refuge dans un centre pour jeunes, mais sont finalement arrêtés par la Gestapo à Nice. Pendant l'interrogatoire, ils sont battus. Leur instructeur, un résistant, est exécuté. Les deux frères échappent à la déportation grâce à des papiers falsifiés. De retour au centre, Jo apprend l'arrestation de son père. Les deux frères doivent repartir. Ils se réfugient en Haute-Savoie où Maurice travaille dans un hôtel tandis que Jo trouve à s'héberger chez un libraire pétainiste qui ignore que Jo est juif. Il tombe amoureux de la fille du libraire. Tous deux sont horrifiés quand le fils du libraire, membre de la Milice, exécute des Résistants. Avec le dernier épisode, nous revenons au début du film: on voit Jo marcher dans les rues matinales de Paris au lendemain de la Libération, il attend l'ouverture de la boutique de son père. La dernière scène du film, presque sans paroles, montre la réunion avec sa mère et ses frères. L'émotion n'est exprimée que par les gestes et la musique: on comprend alors que le père, déporté à Auschwitz, ne reviendra pas. Ce cadre narratif qui rapproche directement la première et dernière scène n'est pas là pour rassurer les spectateurs dès le commencement en leur disant que Jo s'en sortira, mais bien pour, dès le début, thématiser le travail de la mémoire: les souvenirs de Jo insérés entre ces deux plans construisent la figure du père disparu. L'importance que le film accorde aux émotions, par son esthétique et sa technique (Duguay utilise une steadicam et de nombreux gros plans) construit une résistance au cynisme et à l'indifférence.

Marion Geiger
California State University, San Marcos
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