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Reviewed by:
  • Makala réal. by Emmanuel Gras
  • Marion Geiger
Gras, Emmanuel, réal. Makala. Int. Kabwita Kasongo, Lydie Kasongo. Bathysphere, 2018.

Le réalisateur français avait découvert son sujet en collaborant avec Bram Van Paesschen sur un documentaire concernant les "creuseurs" dans les mines de cuivre au sud de la République démocratique du Congo. Lors du tournage, Gras avait remarqué des travailleurs transportant sur des chariots précaires d'énormes cargaisons de charbon ("makala" en swahili). Pour son nouveau film, Gras retourne dans le Katanga et suit un de ces travailleurs: Kabwita Kasongo, 28 ans, père de famille vivant près de Walemba. Le film documente le travail pénible de Kabwita, qui habite à 50 km de Kolwezi et subsiste grâce à la fabrication artisanale de charbon de bois. Par des images [End Page 200] soigneusement stylisées, le film interpelle le spectateur en montrant la précarité de la vie d'ouvriers tels que Kabwita. D'une grande pauvreté, Kabwita affronte de multiples dangers sur son lieu de travail et dans le transport de sa marchandise. Malgré un travail acharné, et contre tout espoir, Kabwita ne parvient pas à faire assez de bénéfices pour améliorer sa situation. Le documentaire comporte trois parties. Le premier volet raconte les étapes du travail quotidien du charbonnier. Levé aux aurores, Kabwita traverse son village, marche à travers la campagne pour finalement aboutir sous un arbre gigantesque qu'il abat à l'aide d'une hache minuscule. La caméra est rivée sur le corps du travailleur (son dos, ses mains, ses bras), saisissant le progrès du travail et la lumière qui change. Elle inscrit le spectateur dans la durée lente et répétitive du travail physique, évitant toute esthétisation gratuite. On continue de suivre Kabwita, qui doit maintenant construire un four pour transformer l'arbre en charbon. Le soir, il discute d'avenir avec sa femme: ils souhaitent acheter de la tôle pour leur toit et quelques arbres fruitiers pour enrichir leur table (leur dîner se compose d'un rat grillé). Le deuxième volet du récit raconte le voyage périlleux de Kabwita vers la ville. Il pousse une bicyclette chargée de charbon, trop lourde pour être relevée si elle se renverse. Bravant la poussière, les accidents et la mafia locale, Kabwita endure ce travail de Sisyphe pendant quatre jours. Le troisième volet raconte son arrivé en ville et se termine en montrant que le charbonnier ne parvient pas à vendre sa marchandise à prix décent. Kabwita rend visite à sa belle-sœur, qui héberge sa fille. Il apporte un cadeau à la petite. Les moments de convivialité sont rares dans ce film silencieux qui capte la détermination d'un homme contraint à la solitude. Cependant, dans les conversations familiales transparaissent tout l'amour, le sens de la responsabilité et le courage qui font avancer Kabwita même après les pires désillusions. Dans une des dernières scènes, un prédicateur évoque la figure biblique de Job, "l'homme intègre" que "la souffrance ne peut atteindre". Le film, superposant la souffrance absurde de Sisyphe et les mythes chrétiens, ne manque pas de faire réfléchir aux diverses manières par lesquelles les protagonistes tentent de faire sens de cette lutte quotidienne alors qu'ils ne peuvent intervenir sur les macrostructures économiques et sociales.

Marion Geiger
California State University, San Marcos
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