- Quête et représentation du bonheur dans le roman français contemporain by Ruth Amar
Cet essai, dont le titre fait écho à La quête et les expressions du bonheur dans l'oeuvre d'Albert Camus (2004) de Hiroki Toura, constitue la suite d'un ouvrage collectif édité par Ruth Amar, L'écriture du bonheur dans le roman contemporain (2011). Ce nouveau livre d'Amar laisse globalement une impression mitigée à ses lecteurs. Il conserve la structure d'actes de conférences en additionnant une collection d'articles successifs placés sous quatre rubriques définies. Le bonheur conjugal, celui du troisième âge et du quotidien, ainsi que le bonheur au sein d'un monde absurde sont les angles d'attaque retenus pour développer "les caractéristiques essentielles proéminentes du bonheur et des éléments [de langage] qui le composent" (27). Toute la force du texte se situe au coeur de sa problématique captivante, toute son originalité dans la richesse du corpus romanesque traité. Sur le thème très actuel du bonheur et de la vieillesse sont conviés les romans de Maryline Desbiolles, Noëlle Châtelet et Marie Rouanet autour d'une analyse dichotomique mêlant intelligemment défi personnel et tragédie du suicide. Question que l'on trouve habilement posée dans Anchise de Desbiolles où le suicide apparaît aussi comme une délivrance personnelle et collective révélant "l'amour vécu et'revécu' par la mémoire" (168). Convaincante, la partie sur le bonheur conjugal qui se projette des années 1950 à nos jours, allant de Christiane Rochefort à Éric Holder et venant pétrir les questions de l'argent, des passions, de la morale et de la fidélité, mais aussi de l'incompatibilité du couple et du narcissisme ambiant dans Le fil de soie de Michèle Gazier par exemple. En revanche, le corpus perd de sa superbe et de son à-propos lorsque l'on aborde le bonheur au quotidien. En effet, un chapitre entier sur Christian Bobin devient incongru dans un essai sur le roman contemporain. De même, le choix des nouvelles de Philippe Delerm et de La Grande Beune de Michon est pour le moins inattendu, tout comme l'argument final sur Le Clézio et Houellebecq. En dépit d'un bon sujet et de belles fulgurances, la question du sérieux académique se pose. Il est d'usage de taire les coquilles d'un livre, toutefois elles se rappellent à nous si souvent dans celui-ci qu'elles finissent par décourager le plus patient des lecteurs, sans compter les défauts de pagination des textes cités, les sources fantaisistes, voire [End Page 221] tout bonnement l'absence de source (six références manquent notamment page 95). Cette critique avait déjà été formulée par Russell Williams dans la revue qu'il fit de l'ouvrage édité par Amar (French Studies 66.4 [2012]: 589–90). Les récidives sont toujours dérangeantes, surtout lorsqu'elles laissent aux lecteurs une impression de manque de sérieux et de précipitation. "Le véritable travail, c'est de savoir attendre", disait Jean Rostand... à méditer.