Paris est à nous réal. by Élisabeth Vogler (review)

Vogler fait une nouvelle entrée dans le cinéma français avec son premier long métrage dont le titre initial était Paris est une fête. Ce film est aussi un pari financier puisqu'il est subventionné grâce à une campagne de financement participatif ( crowd-funding). Pourquoi un tel film? C'est ce que la réalisatrice explique sur le site Kickstarter: "Entre 2014 et 2017, Paris était dans un tel état de tension [...] C'était impossible pour nous d'entrer dans un long processus de financement et d'écriture qui allait prendre des mois et nous empêcher de capturer l'effervescence des événements." L'enjeu est atteint avec son lancement le 22 février 2019 sur la plateforme Netflix. Sur une musique originale signée Jean-Charles Bastion et Laurent Garnier, nous suivons dans Paris est à nousAnna (Noémie Schmidt, Versailles, 2015), jeune serveuse de café, adepte de course à pied. Sa rencontre avec Greg (Grégoire Isvarine, Les hommes du feu, 2017) lors d'une fête rave est le point d'ancrage d'une course envers et contre tout, imaginaire et réelle, dans le dédale des rues de Paris, à la croisée d'événements tragiques. Ce parcours en tandem va à l'encontre des attentats terroristes du 13 novembre 2015 et dévoile en filigrane l'ampleur de la violence manifestée par la présence d'équipes de secours rue de la Fontaine-au-Roi et rue Charonne. Anna et Greg sont la fine fleur d'une société confiante, des symboles du Paris des Lumières, au vingt et unième siècle. Le couple se lie aussi au gré de flâneries dans la capitale ou en bord de mer. La caméra qui virevolte en plans rapprochés ou en contre-plongée révèle la psychologie du couple, dont la relation se dégrade. Greg décide de travailler à Barcelone. Bien qu'Anna s'y oppose, elle tente de le rejoindre. Non seulement elle manque son vol mais l'avion s'écrase. Bien que l'allusion ne soit pas faite, il est impossible de ne pas penser au crash du Boeing effectuant la liaison Barcelone-Düsseldorf le 24 mars 2015. Le public averti ressent le poids émotionnel lorsque la caméra pivote sur son axe et autour d'Anna sous la lumière aveuglante des projecteurs du théâtre des Bouffes du Nord. Cette scène-clé évoque la tuerie au Bataclan, le 13 novembre 2015, en la personne d'Anna, rescapée. Paris devient miroir de détresse pour Anna. Son errance en spirales nous ramène à des instant présents et passés et fait écho à la question prémonitoire qu'elle adressa à Greg: "Qu'est-ce qu'il se passera après?" Prise dans le vertige d'une mort évitée de peu, Anna déambule à contresens des foules qui déclament l'attentat contre Charlie Hebdosurvenu plus tôt, le 7 janvier 2015. Elle fait naufrage dans un cimetière qui occasionne sa rencontre avec une figure paternelle (Lou Castel, I feel Good, 2018). Dans cette scène culminante, cet ex-reclus qui se recueille sur la tombe de sa fille lui adresse un message de rectitude. Si les scènes de course sont particulièrement soignées, le film, dont le scénario reste peu développé, excède en longueurs.