In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Fillette Lalo by Gerry L'Étang, et Dominique Batraville
  • Annie Bandy
L'Étang, Gerry, et Dominique Batraville. Fillette Lalo. Hervé Chopin, 2018. ISBN 978-2-35720-417-1. Pp. 78.

Dans ce bref roman sur Haïti sous la dictature Duvalier aux temps infamants des tontons macoutes et des fillettes Lalo, les deux auteurs tentent de "remuer les cendres du passé lorsqu'elles sont encore chaudes" et faire "un travail de mémoire" (L'Étang, Le Nouvelliste, 21 juin 2018). Ils ont choisi de reconstituer ce que Jean-Pierre Arsaye appelle une "tragédie baroque" (Montray Kréyol, 7 mars 2018), où le pays n'est pas identifié et les protagonistes sont dissimulés sous des pseudonymes, mais où tout repose sur l'exactitude des faits. Le panthéon vaudou y est omniprésent, invoqué continuellement par le dictateur lui-même, qui n'hésite pas à s'emparer de la voix "nasillarde et rouillée du baron des morts" (39) pour faire régner la terreur. Les courts chapitres ne sont pas étroitement liés, ce sont plutôt les morceaux disparates d'un miroir brutalement brisé, jetés "sur la place publique" (L'Étang, le Nouvelliste). Pourtant, le lien qui rassemble ces fragments éparpillés est une de ces fillettes Lalo, femmes tortionnaires portant le nom de la diablesse"insatiable" (77) qui enlève ceux qui s'approchent trop près. Cette femme a bien existé. Ici, sous le pseudonyme de Dame Ernst Léonard, elle fait régner impunément son pouvoir sur Port-au-Prince. C'est un personnage à la fois répugnant et singulier, réunissant les croyances du Vaudou et l'adoration des saints du paradis. Elle personnifie les sycophantes les plus schizophrènes de l'entourage du "Président-à-vie" (24), en partie sûre de son indulgence mais tremblant de tomber un jour elle-même en disgrâce et de vivre "dans sa chair les traitements névralgiques qu'elle réservait aux détenus" (18). Dans une folie meurtrière, elle se débarrasse tour à tour des camoquins rebelles venus de Cuba (17), des ministres trop encombrants, des intellectuels défendant la démocratie et de ses ennemis personnels par les moyens les plus odieux, pour aller ensuite s'agenouiller au pied des autels, qu'ils soient ceux de la Vierge Marie, d'Erzulie, ou du Baron Samedi, dont le dictateur se voudrait l'avatar. Elle opère—c'est le terme adéquat—à Fort Dimanche, prison où l'on rentre mais d'où l'on ne sort pas. Intimidations, tortures, disparitions, les tontons macoutes et les fillettes Lalo sont bien récompensés, "cadeautés" (13) de voitures et autres privilèges. Nul ne peut survivre aux tourments dans les profondeurs des geôles, ni aux poursuites hallucinantes à travers les rues de la capitale (19). Au Champ-de-Mars, Président-à-vie déclame sa théorie du noirisme, fustigeant les mulâtres qui ont volé la révolution à Dessalines et les Blancs qui ont imposé leurs divinités (32), incitant la foule à éliminer les ennemis du peuple à "coups de roche en tête" (33). Les réfractaires ne doivent leur salut qu'à la fuite. Le roman emprunte alors une métaphore familière parce qu'historique: ceux qui fuient vers la frontière dominicaine ou choisissent l'exil à Miami sont les"nouveaux marrons" (63). La violence de l'esclavage resurgit, la boucle est bouclée: "le pouvoir absolu engendre l'horreur absolue" (L'Étang, Le Nouvelliste). Ceux qui tomberont sous les coups se retrouveront dans l'au-delà, au Pays sans chapeau. [End Page 237]

Annie Bandy
Earlham College (IN), emerita
...

pdf

Share