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Reviewed by:
  • Women's Deliberation: The Heroine in Early Modern French Women Theater (1650–1750) by Theresa Varney Kennedy
  • Jennifer Tamas
Varney Kennedy, Theresa. Women's Deliberation: The Heroine in Early Modern French Women Theater (1650–1750). Routledge, 2018. ISBN 978-1-472-48454-3. Pp. 202.

Cette étude entend renouveler notre perspective du théâtre classique en ouvrant une piste jusqu'alors peu étudiée: l'oeuvre des femmes dramaturges. Il est vrai que c'est un pan de la littérature qui demeure négligé. Varney Kennedy se livre à une recension exhaustive de ces pièces sur lesquelles elle donne des indications intéressantes concernant notamment la mise en scène et les sources critiques. Quatre chapitres établissent une typologie des héroïnes enclines tour à tour à la déraison, à la soumission, à l'audace et, enfin, à la délibération. Par le choix de ce corpus, Varney Kennedy s'attaque aux canons littéraires de l'Ancien Régime. Elle regrette que la société patriarcale, la monarchie absolue et le manque d'autonomie (agency) assujettissent les femmes que les auteurs masculins dépeignent comme débordées par leur passion, anormalement dévouées et surtout dénuées de tout jugement critique. La dimension idéologique l'emporte hélas sur l'analyse critique. Les généralisations abusives sur les dramaturges masculins et les femmes abondent: aucune distinction n'est ainsi établie entre la veuve, la jeune fille, la fille, etc. Les plus grands textes de Racine et Corneille sont abordés de manière extrêmement simplificatrice en quelques pages (débuts des chapitres 1 et 2) et l'analyse ne s'étaye sur aucune référence bibliographique. S'il est vrai que la passion [End Page 205] anéantit Phèdre et Roxane, Racine ne les dépeint pas absolument dénuées de raison ni de lucidité. Surtout, il n'en fait pas une caractéristique exclusivement féminine: les hommes (Pyrrhus, Thésée et Néron entre autres) ne sont pas moins victimes de leur amour aveuglant. En réduisant les textes à une lutte des sexes, Varney Kennedy ne dit rien sur la fragilité humaine. Racine dépeint la profonde vulnérabilité de personnages qui n'en sont pas pour autant incapables de réfléchir: ils s'épuisent au contraire en raisonnements, en tactiques et en ruses, même s'ils finissent par capituler, ce qui rend leur défaite sublime et digne de pitié. Le théâtre du dix-septième siècle est loin de montrer des hommes glorieux et des femmes privées de pouvoir d'action (agency), simples victimes ou épouses modèles, ce dernier critère étant celui que l'auteure applique au théâtre de Corneille. Ce dramaturge ne mettrait en scène que des femmes dévouées à leur mari. Que dire de Cléopâtre, de Rodogune, ou même de Médée, qui bouleverse le modèle de maternité et dont Corneille dit lui-même dans sa préface qu'il voulait que le spectateur "admire" la monstruosité? Varney Kennedy ne met malheureusement pas à profit les trouvailles qu'elle fait sur les textes des femmes dramaturges qui défilent les uns après les autres sans ordre ni distinction. Le lecteur ne saisit pas en quoi ces textes sont novateurs, ni en quoi ils remettraient en question les modèles politiques de l'époque. Le cadre historique (1650–1750) n'est pas davantage justifié. L'écart entre les pièces et les traités théâtraux, parfois misogynes, n'est pas abordé. L'ouvrage de Varney Kennedy représente donc un travail d'édition prometteur (dans le sillage de Perry Gethner), mais une histoire des femmes sur la scène théâtrale reste à écrire.

Jennifer Tamas
Rutgers University (NJ)
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