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Reviewed by:
  • We Met in Paris: Grace Frick and Her Life with Marguerite Yourcenar by Joan E. Howard
  • Céline Hromadova
Howard, Joan E. We Met in Paris: Grace Frick and Her Life with Marguerite Yourcenar. UP of Missouri, 2018. ISBN 978-0-8262-2155-1. Pp. 436.

Cette biographie a le mérite d'être novatrice, car le sujet choisi n'est pas médiatique. Grace Frick n'aurait jusque-là suscité qu'un intérêt par métonymie: toute la thèse de Howard consiste à penser que la compagne de Yourcenar aurait été malmenée pour [End Page 198] mettre en valeur l'écrivaine au détriment de sa traductrice. Howard suit l'ordre chronologique traditionnel, à l'exception du prologue servant à établir son autorité de biographe. Elle y explique avoir passé l'été 1983 à Petite Plaisance, propriété de Yourcenar dans le Maine, expérience lui conférant l'exclusivité de quelques souvenirs partagés. Son travail de recherche s'appuie sur des supports variés, publics (essais littéraires, articles, biographies) ou privés (lettres, photographies, testaments, journaux intimes). Elle montre dans une perspective holiste—l'ouvrage allant de la naissance de Frick en 1903 jusqu'à sa mort en 1979—que l'Américaine est constitutive de l'oeuvre et de la vie de son amante. Dans cette relation aux multiples facettes, Frick a joué le rôle de muse, comme pour l'écriture du Coup de grâce articulée autour d'un triangle amoureux, de relectrice et de conseillère indispensable à la génétique des textes de l'écrivaine, comme pour Les mémoires d'Hadrien. C'est Frick qui a fait connaître à l'Amérique l'auteure de L'oeuvre au noir en traduisant trois de ses livres dans un anglais solide servant le style dense de la romancière: "translating is writing", comme le rappelle Yourcenar qui a elle-même traduit l'oeuvre de Virginia Woolf et d'Henry James. Howard fait l'hypothèse intéressante de la sublimation du désir de maternité du couple à travers l'écriture. Elle suggère que l'élection de Yourcenar à l'Académie française en 1980 serait l'accomplissement posthume du couple. Entretenant la polémique avec ses confrères présentant Frick comme un portefeuille, une sorcière ou un prix de consolation, Howard dresse le portrait nuancé d'une humaniste ayant suivi un parcours académique et témoignant de qualités humaines et administratives. L'ouvrage forme une sorte de diptyque pertinent avec celui de Savigneau, L'invention d'une vie, que Howard a elle-même traduit: la biographe fait le tableau d'un couple assorti, né la même année et partageant, en plus de la même nationalité à partir de 1947, un amour commun pour la littérature, l'Antiquité, les arts, les voyages, la mondanité et la nature. Yourcenar et Frick ont mené de front une vie d'engagement pour l'émancipation des femmes, le pacifisme et le droit des minorités. Howard succombe cependant au risque de l'hyperbiographie, visant l'exhaustivité au risque de la saturation et de l'anecdotique—quel intérêt de connaître jusqu'à certains de leurs menus et le nom de leurs chiens? Une telle vulgarisation risque de détourner un public de spécialistes. On regrette aussi que les creux de la petite histoire soient comblés par des hypothèses sulfureuses sur la sexualité du couple ou par des détails sur l'agonie de Frick en proie au cancer. Howard cède à l'indiscrétion biographique qu'elle pourfend par ailleurs, faisant la satire d'une presse inopportune et impolie. On peut s'interroger sur la nécessité d'une révision biographique à l'aune de l'ouverture, en 2037, des archives sur Yourcenar aujourd'hui scellées. [End Page 199]

Céline Hromadova
Université Paris 3–Sorbonne Nouvelle
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