Identité, mémoire, lieux: le passé, le présent et l'avenir d'Amélie Nothomb éd. by Mark D. Lee et Ana de Medeiros (review)

Nothomb est célèbre pour sa personnalité fantasque, son écriture viscérale, souvent cynique, parfois sadique, et sa production littéraire frénétique qui dérangent nombre de critiques et éditeurs. Depuis 1992, chaque rentrée d'automne voit la parution d'un roman. Aujourd'hui, à 52 ans, Nothomb est l'auteure d'une œuvre volumineuse qui continuera certainement à s'amplifier. Il était donc judicieux, à mi-parcours pourrait-on dire, de se pencher sur les tendances littéraires de cette œuvre. Cet ouvrage collectif composé de dix-sept analyses critiques et d'un entretien avec l'écrivaine couvre une grande partie du corpus nothombien et examine comment les lieux de mémoire tant psychiques que géographiques exposent la complexité de la question identitaire tant dans les ouvrages autobiographiques que fictionnels. Les essais s'organisent autour de quatre axes principaux: l'intertextualité, l'image du corps, le Japon et l'enfance et le processus narratif. Une demi-douzaine de contributeurs se penchent sur l'inter-textualité que cultive Nothomb pour interroger les multiples facettes de son histoire personnelle à travers l'œuvre d'autres écrivains. Les lectures de Lee, That, Dunn-Lardeau, Barnet et Raynaud révèlent comment Nothomb poursuit sa quête identitaire soit en inscrivant son histoire personnelle dans certaines narrations de Duras, Proust et Perrault, soit en dialoguant avec des philosophes tels que Platon, Diderot, Cicéron et Barthes. La nostalgie heureuse et Hygiène de l'assassin retiennent particulièrement l'attention de ces chercheurs en raison des nombreuses possibilités de sens de leur lecture. L'image du corps et le vécu corporel, ses sensations et ses besoins assouvis ou réprimés, font partie des fantasmes récurrents de l'écrivaine, hantises qui entrent en symbiose avec l'écriture de nombreux romans. C'est ce que montre Chevillot qui examine comment la remémoration du chagrin amoureux entraîne un refroidisse-ment psychosomatique paralysant l'écriture. La page blanche de glace et de neige devient la métaphore de l'angoisse surgie de la mémoire. Dans Une forme de vie, Kern examine les rapports entre l'obésité et son contraire l'anorexie, et l'imaginaire identitaire. Cette autofiction permet à Nothomb d'explorer l'une de ses obsessions, le thème de l'alimentation, un outil de suicide de l'obèse comme de l'anorexique qui perçoit son identité comme répugnante et insignifiante, son corps étant devenu une entité inhumaine. Trois essais sont consacrés au Japon, espace 'fondamental et fondateur' dans lequel s'inscrit la réalité autobiographique de l'écrivaine qui s'efforce de résoudre ses problématiques identitaires et de structurer son moi à travers les lieux métaphoriques de sa mémoire (Fréville, Amanieux, Hayashi). Différents aspects de la narration nothombienne tels que l'avenir de l'œuvre (Clemmen) et sa réception à l'étranger (Caddedu) sont analysés dans les autres articles. Verdier et Cervelatti explorent l'appartenance géographique d'une œuvre protéiforme qui peut se lire selon les notions appliquées aux littératures francophones, c'est-à-dire dans la perspective postcoloniale. Klekovkina examine l'irruption du réel dans les souvenirs autobio-graphiques, et Collington les liens entre la représentation de l'espace et l'identité des personnages. Enfin, l'entretien mené par Lee est essentiel pour les lecteurs dé-sirant approfondir leur connaissance de l'œuvre singulière de Nothomb ainsi que de sa fascinante personnalité. Ce collectif est un élément important de la critique nothombienne.