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Reviewed by:
  • Grâce à Dieu réal. by François Ozon
  • Levilson C. Reis
Ozon, François, réal. Grâce à Dieu. Int. Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud. Mandarin, 2018.

Bien que la pédophilie et l'agression sexuelle fassent partie du cinéma ozonien et, par conséquent, de son horizon d'attente, on ne s'attendait pas, paradoxalement, à ce [End Page 253] qu'Ozon se départe de l'habitus tendanciellement fantasmatique de son cinéma pour s'engager dans l'actualité des faits divers. Dans ce nouveau film, Ozon s'inspire de l'histoire vraie des victimes de la pédophilie dans l'Église catholique de France et des éléments du dossier juridique de Mgr Philippe Barbarin, cardinal de Lyon, accusé de ne pas avoir dénoncé de nombreux actes de pédophilie et d'agressions sexuelles commises sur des scouts mineurs prétendument par le père Bernard Preynat, un des prêtres de son diocèse. Ozon puise ainsi dans l'Affaire Barbarin-Preynat pour mettre en scène non seulement l'histoire d'une conspiration du silence autour de la pédophilie au sein de l'Église catholique et des Scouts de France, mais aussi la prise de parole des victimes. Dans un premier temps, le récit filmique tourne autour d'une reconstitution des faits par le biais de trois personnages principaux, Alexandre Guérin (Melvil Poupaud), François Debord (Denis Ménochet) et Emmanuel Thomassin (Swann Arlaud), incarnant trois des scouts agressés sexuellement par le père Preynat (Bernard Verley). Aussitôt qu'il découvre que le père Preynat est toujours en contact avec des enfants, Alexandre va porter plainte auprès du cardinal Barbarin (François Marthouret). Après s'être rendu compte que cela ne changera rien, Alexandre dépose une plainte au commissariat de police, mettant en marche une enquête sur le cas qui le mettra en contact avec d'autres victimes, à savoir François et Emmanuel. Une fois réunis, les trois fondent l'association La Parole libérée. Ozon recourt à des procédés narratologiques traditionnels (récits en voix off, retours en arrière, cadrages serrés) pour montrer ce que les victimes ont subi au labo photo, au camp scout de la paroisse ou au catéchisme aux mains d'un pédophile. Emmanuel, le plus fragile des trois, ne s'en sort pas et a du mal à entretenir des relations sentimentales et sexuelles. Quand il fait l'amour avec son amie, avoue-t-il, le père Preynat est toujours là. Bien que le film montre les séquelles psychologiques de ce silence, ce sont plutôt les répercussions de la libération de la parole qui prennent de l'ampleur. En partageant leurs secrets avec leurs familles, tous les trois doivent faire face au déni familial qui s'ensuit de la libération de la parole. Quand Alexandre met sa mère (Laurence Roy) au courant de l'affaire, elle le blâme d'avoir toujours été "doué pour remuer la merde". Le père d'Emmanuel (Christian Sinniger) lui aussi pense qu'il faut arrêter de se plaindre et refaire sa vie. En fin de compte, il devient évident que le film s'adresse à une nouvelle génération qui doit savoir dorénavant "qu'il ne faut pas avoir peur de parler", comme le dit Alexandre (à ses enfants). Le message que ce film nous passe par le truchement des victimes d'abus sexuels marque un tournant dans la cinématographie d'Ozon, en nous révélant un réalisateur engagé dans l'action sociale. Grâce à Dieu est tout court un film citoyen. [End Page 254]

Levilson C. Reis
Otterbein University (OH)
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