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Reviewed by:
  • Les confidences by Marie Nimier
  • Jeanne-Sarah de Larquier
Nimier, Marie. Les confidences. Gallimard, 2019. ISBN 978-2-07-284313-6. Pp. 192.

Cette résonance de confidences, comme s'il s'agissait d'un genre littéraire en soi, prend corps à part entière dans un appartement pour ainsi dire vide prêté par la mairie. L'auteure, en son temps fillette solitaire au sens aigu de l'observation et avide déjà d'expériences, fait aujourd'hui et ici celle, insolite, d'accueillir des inconnus pour recueillir leurs confessions. En toute connaissance de cause, ces personnages prennent rendez-vous sur Internet puis, incognito, se présentent sur ce lieu de partage meublé uniquement de deux chaises et une table qui a pour seul témoin un philodendron. L'auteure, elle, est assise derrière la table, les yeux bandés, afin de respecter l'anonymat des visiteurs. Ni roman, ni recueil, ni récit, ni fiction, ni rapport, ni nouvelles, cet ouvrage transcende agilement les genres avec son "machin autour des confidences" (13) pour faire converger transcription, description, inscription, prescription, souscription et même proscription. Loin de n'être qu'une suite de confessions accolées les unes aux autres et sans aucun rapport entre elles, le texte s'harmonise grâce à la présence de la narratrice qui y injecte une encre réceptive et qui façonne un pan kaléidoscopique de notre imaginaire. Le "je" est tantôt celui de la narratrice, tantôt celui d'un confident, mais il n'y a pas de forme narrative spécifique ni non plus une formule magique, ainsi la romancière emploie-t-elle indifféremment la troisième [End Page 226] personne du singulier pour relater les propos de son interlocuteur. Tout en évitant le piège du voyeurisme, cet ouvrage nous fait voir le monde et le for intérieur autrement, plus loin, et de plus près, en soi, en passant par le corps. Au détour de ces quarante-huit confidences, quelque chose se produit: les regrets, remords, souffrances, bassesses, frustrations, désirs et fantasmes relayés par les interlocuteurs convergent en une force émotionnelle qui finit par s'imposer à nous, tel un miroir de l'âme en partage. C'est alors au tour de la romancière d'en arriver, comme entre deux silences, par accident, à sa propre révélation: "celui que l'on attend, les yeux fermés, c'est celui qui ne viendra pas. [...] Celui dont on aimerait partager ne serait-ce qu'un secret. [...], partager un secret avec son papa, pour en finir avec le silence" (164). La double injonction "Que dit la Reine du silence?" que Roger Nimier avait laissée en guise d'héritage à Marie Nimier dans La reine du silence semble être ici en mutation. Sous cette nouvelle forme, en effet, il s'agit bien pour la romancière de faire sortir du silence secrets, confessions et confidences, et d'en être à la fois dépositaire et révélatrice.

Jeanne-Sarah de Larquier
Pacific University (OR)
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