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Reviewed by:
  • Le naufrage des civilisations by Amin Maalouf
  • Khadija Khalifé
Maalouf, Amin. Le naufrage des civilisations. Grasset, 2019. ISBN 978-2-246-85217-9. Pp. 301.

Il est impératif de tirer les leçons du passé, et aussi d'imaginer le désastre dans lequel l'humanité est en train de s'enliser. C'est l'appel urgent que fait Amin Maalouf à ses contemporains en analysant l'évolution des sociétés modernes. Dans son dernier essai, sous le titre sinistre de civilisations naufragées, l'auteur parachève le constat entamé dans Les identités meurtrières (1998) et Le dérèglement du monde (2009) en entremêlant les récits personnels et les péripéties de l'histoire. Fils de journaliste, puis journaliste lui-même, Maalouf observe le monde depuis sa petite enfance. Il est témoin d'événements historiques majeurs depuis le milieu du siècle dernier et se propose de nous en faire le bilan. Malheureusement, celui-ci n'est pas favorable puisque notre monde est à la dérive, surtout à cause de l'exacerbation des "tensions identitaires" (217). Exemples à l'appui, l'auteur dénonce le "mythe pervers de l'homogénéité—religieuse, ethnique, linguistique, raciale, ou autre—par lequel tant de sociétés humaines se laissent leurrer" (52). Même si l'an 1979 marque un tournant où les "déchaînements identitaires" (261) se sont intensifiés (notamment par les deux événements majeurs "d'inspiration conservatrice" que sont la révolution islamique en Iran et l'avènement de Margaret Thatcher au Royaume-Uni, 175), Maalouf fait remonter la matrice de la dérive à l'effondrement de la civilisation du Levant dont il se réclame. Selon l'auteur, la débâcle de 1948, renforcée par la guerre israélo-arabe de juin 1967, fut fatidique dans le monde arabo-musulman (117–33), mais aussi en Israël parce qu'aucun des protagonistes n'avait fait valoir la raison pour conclure un traité de paix (133–36). Comme François Cusset (FR 92.4), Maalouf sonne l'alarme parce que, dans l'irréversible marche du temps, d'autres dérives, telles que les perturbations climatiques et la course aux armements (315–19), affectent toutes nos civilisations à l'échelle planétaire. En humaniste, Maalouf ne peut que rejeter l'égoïsme sous-entendu dans la théorie de la "main invisible" d'Adam Smith (249–51). L'auteur a mille raisons de craindre pour notre avenir et notre bien-être. Il nous prévient qu'une surveillance quotidienne sous une démocratie est plus inquiétante que celle exercée par une dictature parce que, dans le premier cas, on se laisse entraîner par l'engrenage vicieux de la rhétorique [End Page 270] 271 suivante: nos frayeurs se légitiment face à la montée des "tensions identitaires", alors on donne la priorité à la sécurité aux dépens de nos libertés (307–08). Alors que dans les essais précédents Maalouf prônait une société saine basée sur les droits de l'homme, l'auteur cherche ici un moyen de retrouvrer les valeurs humanistes. Il espère que notre conscience endormie s'éveillera devant "l'avenir apocalyptique" et que cela contribuera aux changements de nos mentalités et actions (330–31). Ce fil d'optimisme est tenu par d'autres penseurs tels que, récemment, Raphaël Glucksmann (Les enfants du vide: de l'impasse individualiste au réveil citoyen, 2018). Il nous est toujours possible d'agir pour arrêter le pire. Or le temps presse.

Khadija Khalifé
Defense Language Institute (CA)
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