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Reviewed by:
  • Sortir du chaos: les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient by Gilles Kepel
  • Samia I. Spencer
Kepel, Gilles. Sortir du chaos: les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient. Gallimard, 2018. ISBN 978-2-07-277047-0. Pp. 514.

Aujourd'hui, nul n'est besoin de présenter cet incontestable expert de l'histoire de l'islam et du Moyen-Orient, surtout des jihadistes, leurs maîtres à penser, leurs objectifs, leurs stratégies et les mutations de leurs modèles depuis la création, il y a bientôt un siècle, de leurs principaux instigateurs, les Frères musulmans. Un des premiers spécialistes en la matière, bien avant que ces sujets ne deviennent des préoccupations planétaires, Kepel consacre sa recherche à l'intégrisme, l'islamisme et le terrorisme, depuis les banlieues françaises et européennes jusqu'à leurs sources idéologiques et financières dans le monde arabe et les monarchies pétrolières. Favorablement recensés dans les quotidiens et les magazines d'actualités les plus prestigieux, ses nombreux ouvrages confirment une réputation bien méritée non seulement dans les milieux académiques, politiques et intellectuels, mais aussi parmi un large lectorat cultivé. Ici, l'auteur dévoile l'origine de son intérêt personnel pour le Levant, rappelle les tournants les plus importants de sa récente histoire, avant de plonger dans les détails des "printemps arabes" et du "califat". La première crise du pétrole de 1973 et la flambée des prix du carburant marquent le début de l'islamisation des sociétés arabes avant d'atteindre l'Occident. Une autre étape charnière est l'engagement de la CIA dans le recrutement, la formation et le financement des 40 000 jihadistes étrangers qui allaient causer la déroute de l'URSS en Afghanistan, l'année même de la chute du mur de Berlin—en retrospective une "alliance avec le diable" (54) dont les conséquences se répercuteront partout dans le monde les décennies suivantes. L'échec de "la tentative américaine de remodeler le Moyen-Orient" (142) par une malencontreuse guerre en Irak sous de faux-prétextes, qui devait mener à l'effondrement du régime de Saddam Hussein, y développe au contraire "un chiisme radical favorable à Téhéran et très hostile aux chimères néo-conservatrices" (140–41). Autres résultats non-escomptés des meurtrières mésaventures otanesques en Irak, en Afghanistan, en Libye et en Syrie: création d'un "nouvel imaginaire pour le jihadisme international" (159) qui mobilisera les militants; évolution de la stratégie pyramidale de Ben Laden vers un modèle horizontal qui permettra d'atteindre des objectifs plus étendus et plus imprévisibles; naissance de l'État islamique. Tout en appréciant l'excellente chronologie, l'index détaillé, et les réseaux tentaculaires qui permettent à Kepel de pénétrer les sociétés arabes et les milieux islamistes, les lecteurs bien renseignés ne manqueront pas de noter certaines carences. L'auteur valide les récits officiels, tout en évitant de traiter des questions qui fâchent, notamment les accommodements entre Occident et islamisme; le double-poids double-mesure vis-à-vis des monarchies pétrolières et des régimes nationalistes laïcisants; l'illégalité d'interventions militaires sans accord préalable des Nations Unies; ou les véritables intérêts économiques et géostratégiques qui sous-tendent des guerres qu'il faut camoufler par l'affichage d'objectifs humanitaires ou de droits de l'homme afin de leurrer les opinions publiques. Si le titre pourrait suggérer que l'essai propose des solutions aux "crises en Méditerranée et au Moyen-Orient", en [End Page 268] fait il n'en est rien car les voies de sortie demeurent limitées, malgré les fractures entre partenaires et financiers, et les désaccords entre groupes jihadistes.

Samia I. Spencer
Auburn University (AL), emerita
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