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Reviewed by:
  • Proust, prix Goncourt: une émeute littéraire by Thierry Laget
  • Edward Ousselin
Laget, Thierry. Proust, prix Goncourt: une émeute littéraire. Gallimard, 2019. ISBN 978-2-07-284678-6. Pp. 262.

En 1919, Marcel Proust a obtenu le prix Goncourt pour À l'ombre des jeunes filles en fleurs, le deuxième volume de son cycle romanesque, À la recherche du temps perdu. Un siècle plus tard, Thierry Laget examine "l'émeute littéraire" déclenchée par ce prix littéraire attribué de justesse à une œuvre souvent mal comprise, alors que Les croix de bois de Roland Dorgelès faisait initialement figure de favori dans le contexte historique de l'après-guerre. Laget commence par un bref rappel des débuts de l'Académie Goncourt, dont les dix membres ont décerné le premier prix en 1903, inaugurant ainsi un rituel qui depuis marque chaque rentrée littéraire et qui consacre théoriquement le meilleur roman de l'année. En 1913, "nul ne pense à Proust" (28) lorsque Du côté de chez Swann est publié, n'obtenant aucun prix. Après la Grande Guerre, le deuxième volume de la Recherche paraît décalé, pour ne pas dire déplacé, en raison de son renvoi narratif et thématique à ce qui sera bientôt appelé la Belle Époque. Laget analyse, toujours avec précision et parfois avec humour, le tollé journalistique (on ne disait pas encore "médiatique") qui a suivi l'attribution en 1919 de ce prix déjà prestigieux à une œuvre jugée trop maniérée et alambiquée, et dont l'auteur était jugé trop vieux, voire trop riche. Les exemples de critiques acerbes ou dédaigneuses ne manquent pas: "Par six voix contre quatre l'Académie Goncourt a prononcé hier sa condamnation à mort" (97); "Ce jeune-là est certainement né bien vieux. Il a un art tout à fait rare d'embrouiller les sensations les plus quotidiennes et de leur prêter je ne sais quelle apparence de prétentieux arrangements" (99); "Je ne connais pas, dans notre littérature actuelle, d'esprit plus faisandé que le tarabiscoté et pourtant dilué styliste qui a écrit [End Page 255] sur l'onanisme sentimental" (99–100). Paradoxalement, du moins au niveau politique, c'est Léon Daudet, féroce polémiste d'extrême-droite et rédacteur en chef du journal quotidien L'Action française, qui soutient le plus éloquemment Proust et son roman: "un nouveau et puissant romancier […] un ouvrage aussi vigoureux, aussi neuf, aussi plein de richesses" (104). Notons que les rares éloges et les nombreuses critiques ne correspondaient généralement pas aux divisions politiques ou esthétiques de l'époque: "C'est ainsi que Proust devient l'adversaire des deux camps: les nationalistes, qui estiment que la littérature doit rester mobilisée, et les internationalistes, qui jugent qu'elle doit s'engager" (180). C'est peu de dire que la Recherche n'a pas immédiatement acquis son statut actuel de monument littéraire. L'étude éclairante et abondamment documentée de Laget intéressera tous les lecteurs de Proust.

Edward Ousselin
Western Washington University
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