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  • L'évolution de l'univers floral chez Proust: de La Bible d'Amiens à La recherche du temps perdu by Yasué Kato
  • Khadija Khalifé
Kato, Yasué. L'évolution de l'univers floral chez Proust: de La Bible d'Amiens à La recherche du temps perdu. Champion, 2019. ISBN 978-2-7453-5109-8. Pp. 233.

Écrire sur Proust devient une entreprise risquée, tant de critiques ayant puisé leurs sujets d'étude dans cette source qui semble intarissable. Kato choisit un nouvel angle d'approche en retraçant la genèse et l'évolution de l'univers floral dans la Recherche proustienne. Elle commence par en faire remonter certains thèmes aux traductions antérieures par Proust des ouvrages du penseur anglais John Ruskin. Kato démontre, en effet, que les traductions de La Bible d'Amiens et Sésame et les lys de Ruskin furent un tremplin pour l'élaboration de la Recherche. Ainsi, tout comme les écrits de Ruskin, l'opus proustien mélange-t-il les classements génériques et les domaines d'études (théologie, littérature, botanique, géologie, philosophie, esthétique, science, sociologie, etc.). Les deux écrivains sont aussi liés par plusieurs "affinités thématiques" (62) telles que la réminiscence et le thème floral. Kato montre que la longue préface (de près de cent pages) de Proust à la traduction de La Bible d'Amiens fut la matrice de la Recherche, où l'écrivain a procédé par une construction minutieuse, pièce après pièce, de son œuvre mosaïque. Il est donc normal de trouver des analogies entre la préface à la traduction et la Recherche. Or à côté des similarités incontestables, l'analyse génétique des écrits proustiens montre que Proust a développé, remanié, réécrit d'autres épisodes—tels que la description de la Vierge dorée sur le portail de la cathédrale d'Amiens et la visite de la basilique Saint-Marc à Venise—qui existaient dans les brouillons de la préface mais qui se sont métamorphosés jusqu'à perdre toute trace d'affiliation avec les textes de Ruskin (65–69). L'univers floral chez Proust est ensuite décortiqué, depuis l'apparition de l'aubépine autour du personnage de Gilberte jusqu'aux détails relatifs aux jeunes filles en fleurs, en passant par les fleurs de l'atelier d'Elstir et l'art plastique des impressionnistes. Les fleurs sont décrites avec les sensations, les imageries et les notes musicales qui lui sont associées (87–92). Il est [End Page 254] question également de multiples ouvrages—comme La flore des grandes cathédrales de France d'Émile Lambin, ou L'art religieux du XIIIe siècle en France d'Émile Mâle—à travers lesquels Proust s'est renseigné sur l'art architectural médiéval avec ses motifs végétaux et qu'il a repris dans ses descriptions des églises et des cathédrales. Pour Proust, comme pour son maître Ruskin, la flore artistique liée à l'architecture ne constitue pas de "simples feuillages" mais remplit une fonction religieuse (83). Le travail continu et le remaniement successif ont permis à Proust "d'élaborer son propre style" (62) et d'orienter sa vocation d'écrivain vers une "nouvelle vision du monde, riche en impressions éblouissantes mais éphémères" (198). Cet ouvrage a le mérite de nous faire redécouvrir les personnages proustiens enrobés de végétation, de fleurs et de motifs artistiques, mais aussi de rappeler que la gestation littéraire d'une œuvre monumentale est un processus de longue haleine ou, comme le rappelle bien l'auteure, une construction à trois dimensions—la troisième "étant celle du Temps" (63).

Khadija Khalifé
Defense Language Institute (CA)
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