Le talisman de la présidente by Corinne Mencé-Caster (review)

Mencé-Caster a déjà signé plusieurs ouvrages sous le nom de plume Mérine Céco (La mazurka perdue des femmes-couresse, Au revoir Man Tine), pour des raisons professionnelles et personnelles. Et pour ces mêmes raisons, elle publie sous son vrai nom ce récit en guise de roman pour lever le voile sur la corruption du monde universitaire. Elle a été la présidente de l'Université des Antilles et de la Guyane (UAG) de 2012 jusqu'en 2016 et a surveillé la séparation des trois pôles de l'université lors de la création de l'université de la Guyane en 2014 pour former l'actuelle université des Antilles (UA) qui comprend les pôles guadeloupéen et martiniquais. Mencé-Caster affirme qu'elle s'attendait au harcèlement sexuel en devenant la première femme à ce poste, mais qu'elle n'aurait pu prévoir ni l'intensité de la haine contre une femme présidente ni l'étendue de la corruption chez les hommes les plus puissants. Elle construit son récit à partir de son expérience personnelle tout en altérant quelques détails relatifs aux noms fictifs. La protagoniste du roman a les mêmes initiales que l'auteure (CMC) mais, dans le récit, Corinne devient Carmen. L'université dont elle est présidente est une université "sous les tropiques" (9) mais elle s'appelle "l'Université Franco-Caraïbe (UFC)" (7), une "petite université répartie sur les trois régions de Gwada, Gwaya et Mada" (16), lesquelles on identifie facilement comme la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique. L'adversaire principal de la présidente de l'UFC, basé sur un personnage de la vie réelle comme tous les personnages et tous les évènements du récit, est Félix Talisman, un puissant directeur d'un centre de recherche en Mada. Grâce à la corruption, Talisman gère les fonds de son laboratoire depuis des années de façon qu'il entreprend d'innombrables voyages en première classe et dans des hôtels cinq étoiles. C'est contre cette corruption, et contre la misogynie qui s'intensifie lorsque la présidente confronte la corruption, que Carmen doit lutter. Professeure elle-même, elle a toujours considéré la faculté comme un endroit de service. Lourde révélation pour la nouvelle présidente lorsqu'elle apprend la gravité de la corruption: "Je n'avais jamais […] considéré l'université comme un lieu où l'on pouvait grassement arrondir ses fins de mois, obtenir des avantages en nature […] et se créer tout un réseau de gens bien placés" (142). Dans la vie réelle, ce drame a abouti à la suspension du vrai "Talisman" et à un procès judiciaire. L'importance du roman se révèle dans cette condamnation ainsi que dans la participation consciente de l'auteure dans le mouvement #BalanceTonPorc. Mencé-Caster est une femme qui a subi le harcèlement malgré sa position de pouvoir et qui utilise sa voix pour toutes les femmes antillaises. Son courage lui a coûté quand même très cher, car la réalité palpable du roman a poussé l'auteure à quitter son île de la Martinique pour échapper au traumatisme de l'affaire "Talisman" et pour continuer sa carrière de professeure en France métropolitaine.