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Reviewed by:
  • Au Pays Des Bunkers Et Des Pyramides by Elona Zhana
  • Louis Bousquet
Zhana, Elona. Au pays des bunkers et des pyramides. L'Harmattan, 2019. ISBN 978-2-343-17721-2. Pp. 212.

Le temps a une valeur relative dans la péninsule des Balkans, il s'égrène lentement au fil des naissances, des décès et des générations qui se succèdent. C'est ainsi que l'on se rappelle avec précision chez les Z. le moment fatidique où l'ancêtre Marc devint Ibrahim. Cette conversion opportuniste fut, selon la légende familiale, la source de toutes les malédictions qui s'abattirent sur le clan et agitaient encore la famille douze générations plus tard. L'histoire débute dans la région montagneuse de Valbonë au nord de l'Albanie en mai 1946, date de la mort du fils d'Adam Z. et de l'avènement du communisme. Nous sommes immédiatement mis en garde contre le caractère irrationnel des cérémonies qui suivent la mort dans cette région du monde: la veillée mortuaire est un moment sans limites et "tout et n'importe quoi peuvent s'y inviter" (11). C'est ainsi que la mère éplorée s'évanouit et apprend à son réveil qu'elle est enceinte d'Ibrahim, descendant direct de son aïeul homonyme. Après cet épisode aussi dramatique qu'inattendu, Elona Zhana entreprend de raconter les années du communisme en Albanie et la destinée de son personnage atypique. C'est une tâche paradoxale et difficile tant l'histoire de ce petit pays fut singulière et mouvementée. Après cinq siècles sous la férule ottomane, l'Albanie sera plongée dans la révolution communiste et la tyrannie du sultan rouge, Enver Hodja, et finira par se perdre dans les excès de l'économie de marché. Le récit écrit dans un style poétique, intimiste et direct, accompagne les pérégrinations de Brahim (Ibrahim), élève brillant qui abandonne sa province pour aller se former au professorat dans une grande université du pays. Le jeune homme incarne un peu malgré lui le prototype de "l'Homme nouveau" (53) voulu par le régime communiste. Un homme émancipé en apparence de la "mentalité médiévale" (91) qui affleure dans tous les comportements, et un homme libre malgré tout qui résistera jusqu'à la chute du régime aux sirènes du parti, refusant de reproduire cette conversion archétypale porteuse de tant de souffrances. Loin de son village, Brahim découvrira l'amour avec la belle Diane, l'amitié pour son infortuné camarade Din, et les périls d'un régime tyrannique qui punit les innocents et récompense les traîtres comme le dangereux Fahri. Mais la fresque peine à se dessiner et à trouver le rythme nécessaire à une histoire de cette ampleur, comme si le roman était à l'image de son sujet, paradoxal et imprévisible et souvent décousu. À l'issue de l'histoire, un médecin bruxellois résumera d'un ton persifleur cette société de faux-semblants dont Brahim est le symbole romanesque: "Donc, vous n'êtes pas musulman mais vous vous appelez Ibrahim, vous n'êtes pas communiste mais vous avez fait une brillante carrière durant ce régime et vous êtes Albanais, mais vous n'êtes pas foutu d'être un mafieux?" (182). Voici peut-être le meilleur enseignement de ce récit existentialiste, nous ne percevons jamais des autres que les apparences trompeuses d'un mystère qui nous dépasse entièrement. [End Page 258]

Louis Bousquet
University of Hawaii, Mānoa
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