Trois Jours Á Berlin by Christine de Mazières (review)

Anna est une jeune Française travaillant pour une maison d'édition. Amoureuse de la littérature allemande, elle est à Berlin-Est pour trois jours, à la recherche de manuscrits à publier. C'est pendant ce séjour qu'aura lieu la révolution pacifique que constitue la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989. Le livre évoque les rebondissements politiques de l'époque, auxquels viennent se greffer les récits individuels de personnages fictifs pour nous offrir un portrait de cette Allemagne de l'Est qui était à la fois politiquement séparée et culturellement inséparable de l'Europe. Le premier protagoniste n'est autre que Cassiel, l'ange des larmes, figurant dans le film Les ailes du désir (en allemand "Berlin vu du ciel") réalisé par Wim Wenders en 1987. C'est lui qui donne le ton de l'ensemble et il est conseillé de revoir ce chef-d'œuvre cinématographique parallèlement à la lecture du livre. De même que l'ange du film intervient au moment où les gens sont silencieux, dans une accalmie au milieu des agitations ordinaires, le livre s'intéresse à ce moment de grand flottement entre l'annonce de l'ouverture du mur et un futur encore incertain. Alors que le porte-parole du parti ne comprend pas encore lui-même ce qu'il vient d'annoncer, Cassiel fait la remarque suivante: "Toute cette douceur que les hommes cachent au fond de leur cœur, toute cette douceur dont ils ont peur". Comme l'ange du film avait accès aux pensées des personnages aux moments où ils sont les plus vulnérables de leur existence, nous entrons dans les pensées de divers personnages auxquels chaque chapitre est dédié à tour de rôle: dignitaires du parti, agent de renseignements, touriste noir américain, famille d'accueil d'Anna, journaliste, gardien du mur, jeune écrivain, touriste américain, militaire qui n'en revient pas de "l'amateurisme" qui préside aux événements, professeur d'université qui souhaite que l'on reste à Berlin-Est pour le reconstruire, etc. Ce soir du 9 novembre est un moment de grâce où les convictions les plus inébranlables des membres du parti s'effondrent comme un château de cartes et où l'on fraternise avec des inconnus dans les rues. Ce moment de réconciliation est aussi celui où l'on se sent touché par le souffle de l'ange, un thème littéraire cher à Rilke dans ces "élégies de Duino" auquel il est fait référence ici. L'auteur réussit parfaitement son évocation de l'ambiance surréelle qui règne alors, au moyen de phrases courtes et limpides éclairant pour le lecteur les enjeux complexes de ce moment unique de l'histoire de l'Europe.