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Reviewed by:
  • Mes années japonaises by René de Ceccatty
  • Nacer Khelouz
Ceccatty, René de. Mes années japonaises. Mercure de France, 2019. ISBN 978-2-7152-5304-9. Pp. 248.

Prolongement de son précédent ouvrage Enfance, dernier chapitre (2017) où il racontait son enfance tunisienne, Mes années japonaises ouvre un nouveau chapitre autobiographique dans l'œuvre de René de Ceccatty, qui y mêle cette fois une passion dévorante pour le Japon, amoureux qu'il est devenu de sa littérature, civilisation et culture. Il y séjournera de 1977 à 1979 en qualité de coopérant pour l'enseignement de la langue et de la culture françaises. Auparavant, il fut brièvement professeur de philosophie dans un lycée du Nord de la France. D'emblée, l'auteur nous dit avoir porté ce pays comme on porterait un enfant à naître: "ce voyage je le préparais pendant neuf mois" (12). Et de cette préparation/gestation, il ajoutera que ce ne sera pas par "la géographie, l'histoire, la politique" (12) qu'il abordera ce nouveau territoire mais par la littérature. Et comme celle-ci "était ma raison de vivre, aussi est-ce à la littérature japonaise que je me suis intéressé d'une façon naturelle" (13). Or, il y a aussi une autre passion dans l'univers de Ceccatty: ses amours indomptables, fougueuses, hors-piste. Il a décidé de se mettre en couple avec Cécile rencontrée dans le Nord, lui l'homosexuel assumé, et la glissade est celle qui mène à l'engloutissement mélodramatique (79). Surtout pour elle—"lorsque j'ai rencontré Cécile, j'avais la syphilis" (61)—qui "était plus entrée dans ma vie que je n'étais entré dans la sienne" (48). En vertu de ce que l'auteur revendiquera—"je militais pour une indétermination de la sexualité" (134)—il fera le voyage du Japon avec celle qui va peu à peu se voir préférer un jeune garçon de 19 ans, Ryôji Nakamura (seul le prénom apparaîtra), pour l'amour duquel Ceccatty prendra un second appartement (78), précipitant la chute de cette femme fragile—"j'entendais ses pleurs, ses menaces de suicide" (112)—qu'il finira par renvoyer vers la France. Ryôji, qui collaborera avec l'auteur dans la traduction de plus d'une quarantaine d'ouvrages japonais tout en partageant sa vie, remplira ce rôle d'intercesseur, de passeur entre la littérature et l'intimité de ses amours insatiables et tourmentées. C'est sans doute ce sentiment d'approcher au corps le Japon qui fera dire à l'auteur que Barthes se trompe en exotisant le Japon dans L'empire des signes et le déclarant un "là-bas" (210): "le livre de Barthes reposait sur la très fine, mais irrémédiable description d'une altérité" (204). Or, le Japon, "ce ne sera jamais pour moi une culture autre, ce ne sera jamais pour moi un ailleurs" (189), dira l'auteur, [End Page 237] aidé sans doute en cela par les lectures de Foucault (209) et Deleuze. Mais c'est grâce à sa mère, lectrice avisée de sa vie mise en mots, que sera entretenu le feu de cette mémoire au travail. De la correspondance bienveillante entretenue avec elle, il découlera une mise en fiction de soi—"je me racontais comme un personnage de roman" (74). Une mémoire qui, plus que ses faits avérés, se nourrira de ses béances.

Nacer Khelouz
University of Missouri, Kansas City
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