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Reviewed by:
  • La lettre trace du voyage à l'époque moderne et contemporaine ed. by Isabelle Keller-Privat, et Karin Schwerdtner
  • Sonia Assa
Keller-Privat, Isabelle, et Karin Schwerdtner, éd. La lettre trace du voyage à l'époque moderne et contemporaine. PU de Paris Nanterre, 2019. ISBN 978-2-84016-327-5. Pp. 254.

Le Romantisme, rêvant de l'ailleurs, favorisa le voyage. "[Q]uand partons nous pour le bonheur?" soupirera Baudelaire dans ses Journaux intimes (OC 655). Ainsi Chateaubriand, Stendhal, Sand, Lamartine, Nerval, Hugo, Dumas, Mérimée, Gautier, écoutant l'appel, partirent-ils pour l'Orient ou le Midi, l'Allemagne ou l'Italie, et publièrent-ils, non seulement des récits, mais une abondante correspondance. Bien d'autres les suivront. L'ambition de l'ouvrage considéré ici est d'examiner les rapports entre l'écriture épistolaire et le voyage à travers les "traces" que laisse la lettre viatique dans la littérature anglophone et francophone, de la fin du dix-huitième siècle à nos jours. L'un de ses traits particuliers réside dans la juxtaposition de perspectives critiques et de textes d'auteurs spécialement écrits pour ce volume par Martine Delvaux, Valérie Lebrun et Michèle Rakotoson. La lettre de voyage se trouve à la croisée de l'écriture épistolaire et du récit viatique, du public et de l'intime. Destinée depuis le début à être publiée, elle se propose souvent comme un appel au voyage. Sand confiait, dans ses Lettres d'un voyageur, que pour elle il ne s'agissait pas tant de voyager que de partir. Partir pour écrire, écrire pour s'évader et encourager à l'évasion. Dans sa préface, Pierre-Jean Dufief observe qu'à la fin du dix-septième siècle les lettres deviennent une écriture de l'intime, et le récit de voyage accorde désormais la première place aux sensations. Ainsi Stendhal avouera-t-il qu'il ne prétendait pas "dire ce que sont les choses", mais raconter "la sensation qu'elles [lui] firent" (Rome, Naples et Florence 119). L'épistolier accomplit un retour sur soi dans un mouvement caractéristique du Romantisme. Dans son article sur Chateaubriand, Roland Le Huenen montre comment l'auteur de René s'affranchit du récit de voyage scientifique en vogue au dix-huitième siècle pour faire de la lettre le médium d'un voyage intérieur qui, à partir de la contemplation des ruines de l'Histoire, se fait critique des temps et prophétie des ruines à venir. Le Huenen propose que c'est dans la Lettre à M. de Fontanes sur la campagne romaine que se produit le glissement du point de vue dans le récit de voyage, [End Page 205] d'une économie descriptive centrée sur l'objet à une économie réflexive fondée sur le sujet. Le voyage, paradoxalement, s'absente de la lettre, celle-ci se voulant la trace d'un "retentissement". Analysant le livre-objet de l'écrivaine malgache Michèle Rakotoson, Tana la belle, Karin Schwerdtner remarque que, par sa composition matérielle et graphique, le livre renforce le thème du déplacement. La trace, chez Rakotoson, est celle de son expérience propre, effacée, du moins en partie, au profit de celles de voyageurs précédents qui firent la même route. D'autres articles, parmi ceux consacrés aux écrivains francophones, considèrent le cas de la "fiction épistolaire" telle que la pratiquèrent Hugo et Nerval, et celui de la "lettre d'exil". Dans la diversité de ses approches, ce volume nous invite à reconsidérer nos concepts de l'espace géographique et littéraire.

Sonia Assa
SUNY, Old Westbury
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