Femmes D'islam Dans La Littérature, Le Cinéma Et L'art Contemporains ed. by Catherine Perry (review)

Cette étude des représentations artistiques des musulmanes comprend neuf chapitres sur des auteures reconnues (Assia Djebar, Yamina Benguigui, Aminata Sow Fall) et moins connues (Meriame, Célibattante; Touari Oulehri, La répudiée; Bahaa Trabelsi, Une femme tout simplement) qui écrivent depuis l'intérieur de l'islam, sur une romancière-historienne trempée d'Orient (Geneviève Chauvel), sur le réalisateur franco-roumain Radu Miháileanu (La source des femmes, 2011) et sur la photographe marocaine Lalla Essaydi dont l'œuvre met en scène le corps féminin à travers maints prismes (traditionnaliste, progressiste, musulman, etc.). En guise d'introduction, Perry compare aussi les films et documentaires de Coline Serreau (Chaos, 2011) et de Benguigui, Femmes d'islam, Aïcha et surtout Inch'Allah dimanche (2011). Si Serreau décrit tous les hommes comme des ennemis, Benguigui comprend "avec une certaine sympathie" (20) le rôle de l'exil, de l'aliénation économique et culturelle dans la réaffirmation des traditions par les musulmans de France contre les femmes. Les violences du patriarcat, les tensions, déchirements, fécondations et hybridités entre la culture d'origine et la culture française/occidentale, l'exil géographique et identitaire, les identités et les stratégies de survie et de vie féminines constituent le socle commun de ces chapitres. Un deuxième thème concerne l'importance du couple conjugal comme reflet de "la totalité du monde" (131), la polygamie (le haut fonctionnaire Mour Ndiaye dans La grève des battù) et les mariages arrangés. L'islam comme culture sociale et comme spiritualité constitue un troisième grand thème. Une "esthétique de la dignité", "une spiritualité sous la forme d'introspection, d'engagement avec l'altérité, d'échange et d'entraide", et la transcendance par "la découverte du pouvoir créatif au féminin" (251) animent l'exploration visuelle d'Essaydi. Un quatrième thème est la reconquête féminine de l'islam et la (re)prise de la parole par les dominées, par "le rejet de l'islam du pouvoir et de la dictature" (69), le refus des "structures tribales et lignagères aussi bien au niveau des structures politiques qu'au sein de la structure familiale" (81), et de "l'archaïsme coutumier" (82). L'histoire de l'islam est réécrite "au féminin" (37) grâce à la redécouverte d'Aïcha (Chauvel, Aïcha, 2007) épouse aimée du Prophète, Mère des Croyants et rédactrice du Coran, et les destins croisés des premières femmes de l'islam (Djebar, Loin de Médine, 1991). Un cinquième thème concerne les luttes entre des générations différentes de femmes, les aînées imposant des traditions étouffantes aux plus jeunes. Inch'Allah dimanche montre cette lutte ouverte entre Zouina, qui vit son exil d'abord forcé en France comme une libération, et sa belle-mère Aïcha "méditerranéenne autoritaire" (183) qui veut infliger à sa bru les maltraitances qu'elle-même a subies sous les colons en Algérie. Figurent aussi les divergences des musulmanes d'une même génération par rapport à l'enfermement patriarcal: dans Inch'Allah dimanche, la jeune Malika, pourtant en France depuis 15 ans, choisit l'enfermement et refuse le contact libérateur des Algériennes en rupture de tradition. Les valeurs occidentales telles que l'égalité des genres, l'autonomie et "l'individuation" des destins (12) traversent aussi ce clair et excellent recueil, une contribution fort utile aux études de genre et aux théories féministes comparatives.