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Reviewed by:
  • Les Califes Maudits. I. La Déchirure by Hela Ouardi
  • Samia I. Spencer
Ouardi, Hela. Les califes maudits. I. La déchirure. Albin Michel, 2019. ISBN 978-2-226-44106-5. Pp. 234.

C'est une tragédie en trois actes que propose ici cette universitaire tunisienne, ayant comme sujet les houleuses négociations et les manipulations qui mènent à la désignation du successeur (calife) du prophète Muhammad, et les hostilités qui s'ensuivent dont les clivages et les calamiteuses conséquences marqueront l'islam tout au long de son histoire. Le format théâtral n'étant pas généralement celui des textes religieux, l'auteure est obligée de préciser que son récit n'est pas une "fiction. Rien, absolument rien dans ce livre n'est inventé […]. Les faits, les dialogues, tous les détails […] sont exclusivement tirés de la littérature musulmane traditionnelle et canonique" (12). D'ailleurs, une longue liste de références et de notes détaillées indiquent les sources des descriptions et des événements relatés (187–232). Les protagonistes sont nombreux, la liste de leurs noms et identités s'étalant sur plusieurs pages (15–23). Il suffira d'en retenir les principaux afin de suivre l'action, notamment les deux meilleurs amis du Prophète, "le doux et sensible (72) Abû Bakr, père de son épouse préférée" 'Â'icha et futur premier calife, et "l'impétueux [et] farouche" (72) colosse 'Umar, père de son épouse Hafsa et futur deuxième calife, les deux épouses ayant "largement œuvré à l'ascension politique de leurs pères" (65) pendant les derniers jours de leur époux, ainsi que la fille chérie Fâtima, épouse de 'Ali, cousin de son père et futur quatrième calife. Par ailleurs, il existe deux groupes rivaux qui cherchent à accaparer le pouvoir après la mort de Muhammad: les Émigrants (muhâjirûn), les compagnons de la première heure qui ont suivi le Prophète de la Mecque à Médine, et les Ansârs (auxiliaires) qui les ont accueillis dans cette ville. Le vivre-ensemble entre eux était "très compliqué […]. Plusieurs fois l'affrontement armé entre les deux camps avait été évité de justesse" (82–83). Seul le Prophète avait réussi à pactiser avec eux, car ils trouvaient en lui "le pacificateur et l'arbitre capable de les réconcilier et de tempérer les luttes intestines qui les épuisaient" (48). Après sa disparition, les clans qui se disputent la succession cherchent à engranger les bénéfices de leurs investissements dans la nouvelle entreprise religieuse, ils finiront par se bagarrer "comme des chiffonniers" (98). Le début de la nouvelle autorité est menacé par des révoltes de tribus [End Page 243] qui refusent de reconnaître son pouvoir, les litiges qui opposent les uns aux autres illustrent l'enchevêtrement de l'argent, de la politique et du sacré, et la manipulation des versets du Coran par les différentes entités. Ils culminent avec le déshéritement de Fâtima. Avant son décès 72 jours après son père, la jeune femme injustement traitée entame une tirade solennelle dans la mosquée devant un large public d'Émigrants et d'Ansârs pour plaider sa cause et pour maudire les califes qui la privent de l'héritage auquel elle a droit. Les malédictions qu'elle lance à leur égard seront fatales: Abû Bakr perd son fils 40 jours après la mort du Prophète; 'Umar mourra quelques années plus tard de trois coups de poignard à l'estomac.

Samia I. Spencer
Auburn University (AL), emerita
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