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Reviewed by:
  • Le Langage, Une Pratique Sociale: Éléments D'une Sociolinguistique Politique by Cécile Canut et al.
  • Laurence Arrighi
Canut, Cécile, Félix Danos, Manon Him-Aquilli, et aroline Panis. Le langage, une pratique sociale: éléments d'une sociolinguistique politique. PU de Franche-Comté, 2019. ISBN 978-2-84867-640-1. Pp. 392.

Véritable manifeste d'une approche renouvelée du discours, ce livre engage une prise de position du chercheur, une subjectivité assumée ainsi qu'un refus d'être seul [End Page 273] maître de la recherche. Inversement, avec les hôtes (les informateurs), c'est une co-construction du savoir qui est visée. Pour ce faire, la sociolinguistique politique s'appuie sur une anthropographie inscrite dans la durée, prenant largement en compte les conditions de productions des discours et interrogeant ce que font les gens quand ils parlent et avec quels intérêts. Après avoir présenté le socle sociopolitique sur lequel s'appuie cette sociolinguistique ainsi que des procédures analytiques par lesquelles la production de sens en interaction peut être décrite, chaque partie de l'ouvrage recensé décline les fondamentaux de cette approche, en questionnant notamment bien des impensés de la discipline. C'est ainsi qu'est posée une conception du sujet parlant non pas comme une entité avec son essence, ses racines, sa personnalité, mais comme le lieu de croisements multiples, complexes, dont les positionnements varient selon les paramètres des interactions. On rappelle ensuite que les façons de produire des données et d'aboutir à des résultats est partie prenante de leur production, l'anthropographe est appelé à assumer son rôle d'acteur qui, avec ses interlocuteurs, œuvre à co-comprendre un instant de leur vécu. Puis, c'est la notion de "Speech Events" qui est problématisée. L'exemple des assemblées générales en milieu anarchiste sert à montrer que le sujet parlant peut se réapproprier de multiples façons les institutions langagières que sont les événements discursifs. L'activité de catégorisation est aussi questionnée. Alors que la reprise non questionnée des catégories dominantes est souvent de mise, le cercle de la nomination, identification, différenciation, hiérarchisation est pourtant vicié. Face à des catégories naturalisées, il convient d'en montrer l'émergence, la circulation, la transformation pour comprendre les enjeux sociopolitiques qui les sous-tendent. Encore, le discours associant langue, territoire et histoire est interrogé. À partir d'une anthropographie menée au Burkina Faso, l'analyse discursive d'interactions illustre des processus de géographisations linguistiques. En avant-dernière partie, on revient sur des travaux ayant mis au jour la production sociopolitique des inégalités dans et par le langage. Une réflexion sur la question de l'instrumentalisation économique des langues fait ressortir les limites de l'analyse des pratiques linguistiques en termes strictement économiques. Si ce type de travaux a mis au jour des processus de domination, nos sociolinguistes plaident pour des approches qui visent bien plus à énoncer et à prouver l'égalité qu'à dénoncer les inégalités. Dans cette optique, pour finir, le parcours de Roms de Bulgarie nous montre que malgré un contexte qui leur est hostile, le pouvoir circule, ne s'exerce pas dans un seul sens et qu'à tout moment, discrètement, subjectivement s'élaborent des tentatives de renversement d'une hégémonie à laquelle le chercheur peut modestement participer, offrant ainsi une illustration concrète d'une sociolinguistique qui se veut émancipatrice.

Laurence Arrighi
Université de Moncton (NB, Canada)
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