In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Soif by Amélie Nothomb
  • Mark D. Lee
Nothomb, Amélie. Soif. Albin Michel, 2019. ISBN 978-2-226-44388-5. Pp. 162.

Il y a des ouvrages que des auteurs portent longtemps en eux, attendant le moment de passer à l'écriture et au partage. Tel est le cas du vingt-huitième roman d'Amélie Nothomb qui, pour avoir attendu, a connu un succès et populaire et critique, faisant partie de la dernière liste du prix Goncourt de 2019. Gageure romanesque périlleuse, Soif relate à la première personne la Passion du Christ, du procès devant Pilate à la crucifixion et à la résurrection. Certes, la vie, et surtout la fin de la vie de Jésus, est un sujet qui attire l'auteure depuis son enfance, relatée épisodiquement par exemple dans Stupeur et tremblements (1999) et Métaphysique des tubes (2000). Les risques inhérents à sa narration sont multiples et pourtant ce récit évite la plupart des écueils—blasphème, moquerie, naïveté pieuse—en tramant une histoire qui porte sur l'humanité du protagoniste et surtout sur l'amour. Il n'est pas étonnant que le Jésus de Nothomb possède quelques traits caractéristiques de notre auteure, dont un certain sens de l'incongru et une dose salutaire du comique mêlé au poignant—par exemple des miraculés qui se plaignent que leur vie est devenue autrement difficile après leur guérison par Jésus Christ. Très réaliste, notre narrateur explique en particulier l'immense dépense d'énergie nécessaire pour réaliser certains miracles, et le vide qui s'ensuit. Mais il y a également une fascination toute nothombienne avec la métaphysique [End Page 263] et le macabre, notamment dans ses réflexions sur l'attente de la mort et la réalisation d'une torture physique inimaginable. Au cours des douze chapitres dans une narration qui alterne dialogues et interrogations introspectives, nous voyons Jésus réagir à sa sentence, revenir en souvenir sur diverses rencontres marquantes—Judas, Pierre, Véronique sur le chemin de la croix—avant de parvenir après maints supplices à la fin qui l'attend. Dans l'ultime chapitre, la voix narrative désincarnée parle depuis l'au-delà et finit sur le mot qui marque autant le personnage que son auteure: la solitude (151). Deux belles relations toutes humaines, pourtant, dominent ce roman et séduisent si elles ne surprennent pas les lecteurs: le lien avec sa mère, Marie, et avec son amoureuse, Madeleine. Car dans Soif, non seulement avons-nous le portrait d'un Jésus condamné à la souffrance, mais aussi d'une Passion d'un autre ordre: Jésus amoureux sans réserve d'une femme. Certes, un des moments les plus frappants du texte arrive lorsque—à l'agonie sur la croix—Jésus communique avec Madeleine par le regard décrit comme une sorte de courant aimanté qui passe entre eux (89). Quelles que soient les inclinations religieuses des lecteurs, Soif nous parle avec force et beauté d'une expérience des limites qui ne laisse pas indifférent.

Mark D. Lee
Mount Allison University (NB, Canada)
...

pdf

Share