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Reviewed by:
  • Le ciel par-dessus le toit by Nathacha Appanah
  • Annie Bandy
Appanah, Nathacha. Le ciel par-dessus le toit. Gallimard, 2019. ISBN 978-2-07-285860-4. Pp. 128.

C'est un livre étrange et fort que le dixième ouvrage de l'écrivaine d'origine mauricienne. On y retrouve des traces explorées depuis Les rochers de poudre d'or (2003): sentiments d'exil, tribulations familiales ou le rejet des exclus. Dans Le ciel par-dessus le toit, Nathacha Appanah poursuit sa quête d'authenticité à travers les métamorphoses de trois personnages aux noms lourds de sens. Éliette, malade de l'adoration obsessive de ses parents, met le feu à la maison pour ensuite renaître de ses cendres et devenir Phénix, enfin libre. À ses deux enfants, Paloma qui s'envole au loin pendant dix ans et Loup, l'enfant sauvage "ni blanc, ni noir" (15), Phénix a donné des "griffes et des ailes mais ça [n'a] servi à rien" (82). Cette chronique écorchée des trois mal-aimés n'est éclairée que par le bleu, couleur évoquée comme un talisman et qui donne en creux son titre au roman, puisque le deuxième vers du poème de Verlaine s'ouvre comme une offrande "si bleu, si calme". Comme le poète, Loup est en prison [End Page 247] quand il regarde le ciel, attendant son jugement et revoyant son passé difficile, c'est dur "d'être l'enfant de sa mère" (115). Ni le lieu ni le temps ne sont clairement définis, le passé et le présent se confondent, les journées s'allongent suivant qu'elles sont vécues par la mère ou les deux enfants, conversant sans se voir, sans s'entendre, en un mystérieux échange par-delà les murs. Les silences sont lourds, "mieux vaut garder le cœur fermé" (102). Le mal-être est omniprésent chez ces personnages emprisonnés "comme [dans] une toile d'araignée" (80), incapables de formuler des mots d'amour et qui ne trouveront, ironiquement, que le cadre de la prison pour se rejoindre. Ce n'est pas un hasard si le livre commence et finit par "Il était une fois", car le roman a tout l'air d'une fable dont la noirceur est entrecoupée par les couleurs qui jouent un rôle primordial: le bruit blanc, la blatte noire et surtout le bleu, le bleu du ciel comme celui de la porte de la prison où Loup est enfermé. Ce rêve de bleu, cet appel du bleu, vient trancher sur les sinistres traces (de sang?) sur le mur. Ces signes contradictoires apparaissent en phrases incisives et douloureuses, ballottés par une chronologie compressée en un moment, une journée, une vie, un cauchemar? Comme Paloma, la sœur que Loup tente de rejoindre, cette famille qui n'en est pas une, est à la fois "en dedans et en dehors" (108), à l'écart, en exil peut-être, en attente sûrement, d'un "ciel, une étoile, un rêve" (9). Les lecteurs en mal d'exotisme devront chercher ailleurs. Appanah continue d'affirmer avec force et sensibilité que le refus de l'autre et le manque d'amour n'ont pas de frontières, qu'on soit à Maurice, à Mayotte ou au bord d'un canal comme dans ce roman. L'envie du bleu est par-dessus tous les toits, "chaque chose conten[ant] une promesse" (125). La beauté du livre est justement dans le questionnement et l'espérance qu'il fait surgir.

Annie Bandy
Earlham College (IN), emerita
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